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La Turquie menace de poursuites les opposants turcs de Suisse

L'ambassade de Turquie à Berne, le 22 juillet 2016. [Keystone - Peter Klaunzer]
Le gouvernement turc met la pression sur ses ressortissants en Suisse / Le 12h30 / 2 min. / le 22 juillet 2016
Les Turcs proches du mouvement Gülen et vivant en Suisse doivent s'attendre à des poursuites judiciaires. L'ambassade de Turquie à Berne les a avertis vendredi lors d'une conférence de presse.

Le gouvernement turc met clairement la pression sur les sympathisants de Fethullah Gülen qui résident en Suisse. Le prédicateur, qui se trouve aux Etats-Unis, serait à l'origine selon le président Erdogan de la tentative de coup d'Etat du week-end dernier.

Ces soutiens à l'imam, des personnes mais aussi des institutions, doivent s'attendre à des représailles. Selon le consul de l'ambassade qui s'est exprimé devant la presse, le mouvement Gülen est une organisation terroriste.

"Nous savons qu'il y a quelques institutions et des personnes liées à ces organisations", a averti Volkan Karagöz. "Nous ne voyons pas de problème pour ces citoyens s'ils ne sont pas liés à cette organisation terroriste. S'ils le sont, tout sera fait selon les règles de l'Etat de droit." Autrement dit: des poursuites judiciaires sont possibles.

Aucune demande d'entraide jusiciaire

Reste que ces menaces restent pour l'heure virtuelles. Dans les faits, la Turquie ne pourra pas interroger ou arrêter ces personnes en Suisse. Elle peut uniquement ouvrir des procédures depuis Ankara puis demander l'entraide judiciaire à la Suisse.

La Confédération décide ensuite si elle accorde ou non l'entraide, avant de se prononcer sur l'extradition elle-même. Il s'agit notamment d'évaluer dans ce cas si le pays vers lequel une personne est extradée remplit certaines conditions, dont le respect des droits de l'homme.

D'ailleurs, l'Office fédéral de la justice, contacté par la RTS, précise qu'aucune requête turque n'a été formulée jusqu'à présent. Et si c'était le cas, la Suisse n'entrerait certainement pas en matière, car elle n'accorde pas l'entraide pour des raisons politiques, indique une source bien informée.

Sur ce point, le représentant de l'ambassade turque semble parfaitement au courant. Il a en effet rappelé devant les médias, non sans ironie, que la Suisse avait une définition différente du terrorisme que celle utilisée en Turquie.

>> L'analyse dans Forum :

Des résidents et institutions turcs installés en Suisse subissent déjà menaces et intimidations (photo d'illustration). [Keystone - Laurent Gilliéron]Keystone - Laurent Gilliéron
La Turquie tente d'intimider les sympathisants du mouvement Gülen en Suisse / Forum / 6 min. / le 22 juillet 2016

Pas de restrictions aux voyages

Durant sa conférence de presse, le consul a par ailleurs aussi été interrogé sur les restrictions de voyage pour les Turcs voulant se rendre dans leur pays.

"L'état d'urgence n'est pas dirigé contre le peuple turc", précise le diplomate "Il y a quelques restrictions, mais il n'y a pas d'interdiction de voyager. La liberté de mouvement est un droit fondamental, il n'y a pas de règle les empêchant d'aller à l'étranger ou de revenir en Turquie."

Le ton se veut rassurant, mais une école de la région zurichoise soupçonnée d'être dans la mouvance Gülen a fait l'objet jeudi de menaces sur les réseaux sociaux. Conséquence: les services de sécurité de la Confédération suivent la situation de très près et disent prendre les choses au sérieux.

Possibles violences aussi en Suisse

Les services de renseignement procèdent à des analyses au sein de la diaspora turque, très importante en Suisse avec plus de 100'000 membres. Compte tenu de l'instabilité en Turquie, des tensions entre partisans et opposants au président Erdogan pourraient apparaître et déboucher sur des violences en Suisse aussi.

Contacté, le Service de renseignement de la Confédération (SRC) indique que, pour l'heure, la situation est calme. Il conseille aux personnes qui se sentiraient menacées de s'adresser aux polices cantonales.

>> Lire aussi : Le président turc promet "du sang frais" en raison des "défaillances"

Pietro Bugnon/oang

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