En Suisse, la mobilité devrait encore augmenter d'un quart d'ici à 2030. Et pour éviter embouteillages et trains bondés le matin, le Conseil fédéral envisage de taxer les utilisateurs aux heures de pointe. L'idée émise au printemps avait fait bondir les pendulaires.
"La question du 'mobility pricing' donne l'impression qu'on a le choix d'arriver à l'heure que l'on souhaite et que l'on connaît le coût de sa mobilité. Or, ces deux assertions sont à mon avis incorrectes", commente Christophe Jemelin.
Déplacements de loisirs plus nombreux
Spécialiste de la mobilité et membre de la direction des Transports lausannois, il rappelle qu'avec un tel discours, le gouvernement se focalise sur les pendulaires alors que les loisirs représentent 40% des motifs de déplacements en Suisse.
Faire payer davantage un voyage en train aux heures de forte affluence pourrait, selon lui, entraîner un risque de transfert des transports publics vers la route. Cela se verrait immédiatement et cela irait à l'encontre de l'objectif visé.
Heures creuses plus attractives
"On va vers des prestations et des prix différenciés, mais plutôt dans une logique de rendre plus attractif le prix aux heures creuses plutôt que taxer les personnes qui n'ont pas vraiment le choix de leur heure d'arrivée", observe Christophe Jemelin.
Il critique notamment une approche basée sur les heures de pointe "qui en sont de moins en moins". "Parfois, on a déjà du mal à rentrer dans le métro ou on se retrouve dans des embouteillages à 14 heures", indique-t-il. Aussi traiter uniquement des créneaux les plus fréquentés reviendrait à traiter une "toute petite partie du problème".
Le paradoxe, c'est que pour agir sur la mobilité, il ne faut pas prendre des actions que sur la mobilité
Les pendulaires représentent en effet un quart des distances parcourues en Suisse. Leur mobilité est en outre le plus souvent choisie en raison du marché immobilier d'une part et de l'amélioration des conditions de confort dans les transports publics d'autre part. "Une heure dans le train peut équivaloir à une heure de travail", juge-t-il. Encore faut-il que cela soit accepté par les entreprises, et c'est là tout l'enjeu.
Changer les mentalités
"Le paradoxe, c'est que pour agir sur la mobilité, il ne faut pas prendre des actions que sur la mobilité", défend Christophe Jemelin qui rappelle qu'à l'époque où il avait été proposé de décaler les horaires des étudiants de 08h15 à 08h30 pour éviter la saturation du métro M1, l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) avait jugé "peu sérieux" pour des ingénieurs de commencer si tard.
En Suisse, où l'habitude de se lever tôt prédomine encore, la croyance est fortement ancrée que seuls les paresseux ou les créatifs arrivent à 09h15. Changer cela serait pourtant une façon de lisser la fréquentation des infrastructures. Et de conclure: "Tant que l'on ne sort pas de cette logique, ce sera difficile".
jgal