Campagne ambiguë de Doris Leuthard contre l'initiative des Verts

Le texte vise à fabriquer des objets recyclables et énergétiquement efficaces, et à favoriser les importations écologiques. "La cause des initiants est la bonne, mais leur méthode ne l'est pas", estime la conseillère fédérale PDC dans le Blick. Ses déclarations font déjà beaucoup réagir à Berne, où l'on considère que la ministre de l'Energie a donné un joli coup de pouce aux initiants.

Tacle à Economiesuisse

Certes, dans cet entretien, Doris Leuthard arbore les arguments d'un conseiller fédéral en campagne: le texte des initiants serait "un coup dur pour l'économie suisse", "menace les emplois" et "en demande trop à la population". Les Verts veulent en effet mettre un plafond à l'empreinte écologique des Suisses à l'horizon 2050.

Mais dans le même temps, Doris Leuthard reconnaît que "leur combat (pour des économies d'énergie) est justifié" et la ministre critique la campagne du camp des opposants au texte. En cas de oui le 25 septembre, les Suisses devraient ainsi prendre des douches à l'eau froide, boire des cafés tièdes et faire leur lessive à la main, affirme ainsi Economiesuisse.

Les Verts se réjouissent

Cette communication qui fait dans la provocation ne plaît pas vraiment à la conseillère fédérale chargée de l'Energie. Elle juge cette campagne "alarmiste" ajoutant qu'elle "n'a pas beaucoup de valeur" à ses yeux. Doris Leuthard rappelle à Economiesuisse l'existence du Parlement, qui devrait élaborer cette loi et qui n'irait certainement pas jusqu'à couper l'eau chaude aux Suisses.

Du côté écologiste, on s'est réjoui que Doris Leuthard partage l'objectif de l'initiative et discrédite la campagne des opposants. Ce genre de petite phrase peut sembler anodine, mais elle risque bien de revenir sur le tapis jusqu'au 25 septembre. Deux mois de campagne pendant lesquels les écologistes pourront s'appuyer à loisir sur les déclarations de Doris Leuthard.

Stratégie en vue d'avancer sur l'abandon du nucléaire

L'attitude de Doris Leuthard s'explique notamment par le fait qu'elle juge l'objectif des initiants justifié et qu'elle ne pouvait décemment pas se défausser. Elle avait mis sur pied un contre-projet qui allait dans le même sens.

Quant à la pique envers Economiesuisse, ce n'est pas la première fois. Il y avait eu les reproches après le 9 février 2014. Mais ce qui reste peut-être en travers de la gorge de Doris Leuthard, c'est son projet de sortie de l'énergie nucléaire, largement critiqué par la faîtière des grandes entreprises.

Enfin, il y a une dernière explication, plus stratégique: si l'initiative des écologistes fait un flop le 25 septembre, si le peuple montre une grande réticence à rendre l'économie suisse plus verte, ce sera plus difficile pour Doris Leuthard d'avancer sur l'abandon du nucléaire. Ses adversaires vont se sentir pousser des ailes, de quoi expliquer aussi ce petit service rendu aux initiants.

Thibaut Schaller/lgr