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Des universités suisses se mobilisent pour les intellectuels turcs

Les universités turques se sont vidées depuis le putsch manqué. [AFP - Ozan Kose]
Des universités suisses se mobilisent pour les intellectuels turcs / Le Journal du matin / 4 min. / le 5 août 2016
Depuis le coup d'Etat raté en Turquie, beaucoup d'universitaires turcs cherchent à quitter le pays. Les universités de Genève et de Lausanne, notamment, s'apprêtent à en accueillir, a appris la RTS.

Après la vague de répression qui a frappé les milieux intellectuels et académiques, surtout depuis le putsch manqué du 15 juillet, ils sont nombreux à chercher aujourd’hui à quitter la Turquie, seul espoir de retrouver un poste.

Vingt universités à travers le monde ont déjà manifesté cette solidarité en offrant des postes à des chercheurs turcs ou en s'apprêtant à le faire. Et parmi elles, trois universités suisses. Ces chiffres sont donnés par l'organisation Scholars at Risk, qui vient précisément en aide aux universitaires menacés dans leur pays et qui les met en lien avec des universités du monde entier pour leur chercher un poste.

Chercheur attendu à Lausanne

Pour protéger les personnes et institutions concernées, l'organisation ne précise pas quelles sont les universités impliquées. Mais l'Université de Lausanne a confirmé à la RTS attendre un chercheur turc le mois prochain. Dans ce cas précis, les démarches ont commencé il y a plusieurs mois. La vague de répression à l'égard d'intellectuels et d'universitaires - pour des prises de position qui ont déplu au régime - a en effet débuté au début de l'année déjà.

Et l'Université de Genève est elle aussi concernée. Un chercheur turc, déjà présent, a indiqué à la RTS avoir bénéficié de ce réseau de solidarité. Le rectorat confirme mais préfère rester très discret sur le sujet, là-aussi pour des motifs de sécurité.

Il est donc difficile de savoir exactement combien de chercheurs venus de Turquie sont ou seront accueillis en Suisse. Mais on parle d'un petit nombre seulement, puisque la plupart du temps les universités membres du réseau n'en reçoivent qu'un ou deux.

Milliers de chercheurs concernés

Mais la demande est grande de la part des intellectuels qui veulent quitter la Turquie. Depuis ce printemps, 102 chercheurs turcs se sont déjà adressés au réseau dans le but de rejoindre une université étrangère. Mais ce n'est là qu'une toute petite proportion des personnes concernées par la répression dans les milieux académiques.

"Il y a des dizaines de milliers de personnes qui font face à ces pressions, quinze universités ont été fermées à cause du coup d'Etat, il y a un peu plus de 50'000 étudiants et un peu moins de 3000 chercheurs qui vont devoir quitter leur campus", souligne Daniel Munier, l'un des responsables de Scholars at Risk. "Il y a aussi des milliers de chercheurs qui sont sous enquête de l'administration et des centaines qui se sont fait arrêter ces dernières semaines, c'est du jamais vu".

Cette organisation, basée à New York, existe depuis 15 ans. Et par son ampleur, la situation en Turquie est la plus importante crise pour les personnels académiques que le réseau ait connu.

Rencontre avec les recteurs turcs en septembre

Les instances académiques européennes sont elles aussi très inquiètes. Martine Rahier, ancienne rectrice de l'Université de Neuchâtel et vice-présidente de l'Association des universités européennes (EUA), confirme que cette structure se préoccupe de la situation en Turquie, en particulier de l'indicateur de manque de liberté académique. "Nous avons prévu une rencontre à mi-septembre avec nos homologues de la conférence des recteurs turcs", précise-t-elle.

Cette rencontre avec le Conseil de l'éducation supérieure turc devrait avoir lieu précisément le 14 septembre à Bruxelles. Et nul doute que les Européens auront beaucoup de questions à poser à cette instance qui est d'ailleurs mise en cause par Scholars at Risk pour son rôle dans le renvoi ou la suspension de milliers d'universitaires turcs.

Mathieu Cupelin/Marc Menichini/lgro

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