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La Suisse pourrait adopter le modèle finlandais de lutte contre le terrorisme

Deux policiers en patrouille dans l'aéroport d'Helsinki-Vantaa. [Lehtikuva/AFP - Heikki Saukkomaa]
Lutte contre le risque d'attentats: la Suisse séduite par le modèle finlandais / Tout un monde / 5 min. / le 15 août 2016
La Suisse envisage sérieusement de s'inspirer de la Finlande en matière de lutte contre le risque d'attentat. Son modèle incite l'ensemble de la société civile à dénoncer les comportements à risque.

Le président de la Conférence des directeurs cantonaux de Justice et Police, le Bernois Hans-Jürg Käser, annonçait il y a quelques jours que la Suisse pourrait s'inspirer de la Finlande pour prévenir les attentats, qu'ils soient commis par des extrémistes politiques, religieux ou encore des acteurs isolés.

Le plan d'action finlandais a été mis en place en 2012, suite à deux fusillades perpétrées dans des écoles en 2008 et 2009 ayant fait respectivement 9 et 11 morts.

Depuis 2012 des représentants des autorités suisses et finlandaises se sont réunis à trois reprises pour échanger leurs expériences en matière sécurité publique.

Pour Timo Kilpeläinen, commissaire divisionnaire de la police nationale finlandaise, ces drames ont été le point de départ de la réflexion pour une détection précoce de la radicalisation. "Notre premier objectif était de prévenir tout type de violence et d'éviter ce genre de massacre, quelle que soit l'idéologie de leurs auteurs. Nous nous sommes donc concentrés à la fois sur des extrémistes politiques, sur des extrémistes religieux, mais aussi sur des acteurs isolés", explique-t-il dans l'émission Tout un monde.

Les yeux et les oreilles du gouvernement

Sur cette base, le gouvernement finlandais demande donc à sa population de devenir ses yeux et ses oreilles. Pour ce faire, il a fallu cibler les groupes susceptibles de fournir des informations à la police: les proches, les voisins, les amis, mais aussi les professeurs, les coachs sportifs ou tous ceux qui pourraient témoigner d'un comportement dangereux chez une personne.

Pour Timo Kilpeläinen, nul besoin d'être un expert pour alerter la police. "Nous savons qu'il n'existe pas de profil-type pour un terroriste isolé ou un tueur dans une école, mais il existe certains signaux que l'on peut détecter. Une personne peut s'isoler, passer énormément de temps sur internet à discuter sur des forums qui glorifient la violence, par exemple. Ensuite, au sein de notre équipe multidisciplinaire, nous pourrons évaluer le risque ou non que présente un individu."

Eviter quatre à six fusillades par an

Selon le commissaire finlandais, leur modèle permettrait d'éviter quatre à six fusillades par an. Un résultat obtenu grâce aux témoignages de la population, puis aux aveux de certains suspects qui préparaient un attentat.

Pour y arriver, il a fallu traiter des milliers d'informations. La Finlande reçoit chaque année environ 10'000 renseignements à travers leur réseau d'informations de citoyens. Environ 25% à 30% des éléments sont traités par la police. Et sur ces 10'000, il y a un peu moins de 100 incidents qui sont potentiellement liés au terrorisme.

"Notre système est si bon que nous arrivons à évaluer chaque renseignement. Nous pouvons recouper chacune de ces informations avec celles qui se trouvent dans d'autres bases de données. Nous pouvons ainsi nous faire une idée complète sur la base d'une seule information fournie par un citoyen", explique Timo Kilpeläinen.

Un modèle exportable

Pour le commissaire divisionnaire finlandais, ce modèle est exportable. Il repose toutefois sur plusieurs conditions: la mise en place d'une police de proximité, une confiance réciproque entre policiers et citoyens et donc l'intégration des autres acteurs du monde associatif ou religieux.

Au-delà d'une volonté politique, la Finlande a surtout investi beaucoup de temps et d'argent dans ce plan d'action. Aujourd'hui, les 1600 policiers de la capitale Helsinki sont formés à détecter les signes de la radicalisation violente. En fin d'année, cette mesure sera étendue aux agents des 11 départements de polices locales du pays.

>> A suivre lundi soir dans Forum, le conseiller d'Etat genevois Pierre Maudet dira son intérêt pour le modèle finlandais.

fme

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Climat de suspicion permanent

Le système mis en place par la Finlande ne risque-t-il pas d'instaurer un climat de suspicion permanent auprès de la population? Pour Timo Kilpeläinen, commissaire divisionnaire de la police nationale finlandaise, l'équilibre entre prévention, surveillance et délation est effectivement fragile.

La police finlandaise a choisi d'être intrusive mais transparente. le commissaire estime toutefois que l'enjeu d'un possible acte terroriste dépasse largement la psychose que pourrait générer un climat de suspicion.

"Nous n’avons pas constaté de psychose. Tout le monde comprend qu'il faut aider la police pour éviter ce genre d'attaques. Dans de nombreux cas, comme ceux des massacres dans les écoles, on a réalisé après coup que les tueurs avaient annoncé auparavant leur intention de passer à l'acte."