Avant la rentrée scolaire lundi prochain pour les Vaudois, la ministre en charge de l'éducation Anne-Catherine Lyon évoquait mardi des effectifs en nette augmentation dans les filières bilingues, en ces mots: "C'est un succès extraordinaire."
Alors que plus de 120 élèves vaudois se lancent cette année dans une filière bilingue français-allemand et près de 150 partent s'immerger dans le monde anglophone, Vaud a même pu ouvrir l'an dernier une filière bilingue français-italien.
Même tendance ailleurs en Suisse romande, où les classes bilingues connaissent un véritable boom, à l'instar de Genève et de Fribourg, qui enregistrent respectivement 15% et 21% d'élèves du post-obligatoire suivant une formation bilingue.
"Voies de prestige"?
Et ce malgré des critères sélectifs pour y accéder. A Genève par exemple, il faut obtenir une moyenne 4,8 sur 6 en français et dans la langue choisie, ainsi qu'une moyenne de 4,5 pour s'y maintenir.
Salima Moyard, députée socialiste genevoise, y voit une formation d'élite. "Il est important d'avoir des filières à exigences élevées, mais il ne faut pas pour autant créer des voies de prestige", a-t-elle affirmé dans le Journal du matin de la RTS vendredi.
Pour Guy Mettan, député PDC genevois, même s'il s'agit de renforcer une forme d'élite, les filières bilingues ne peuvent pas se passer de l'appui financier du canton. "Il faut investir dans ce domaine, y compris s'il peut paraître élitiste. La Suisse a les moyens de s'offrir une formation haut de gamme, et donc des classes bilingues."
Double effet Pygmalion
Edmée Runtz-Christan, maître d'enseignement et de recherche à l'Université de Fribourg, a confirmé, dans une étude réalisée en 2010 et toujours d'actualité, une tendance à un élitisme auto-entretenu: les bons élèves deviennent encore meilleurs et se considèrent comme des privilégiés. Sans compter sur un double effet Pygmalion: les enseignants renforcent le sentiment d'élite de leurs élèves, alors que les directeurs d'établissement renforcent ce même sentiment chez les professeurs.
La solution, selon Edmée Runtz-Christan, passe par une démocratisation de ces classes, surtout dans les cantons billingues.
Limiter l'offre de maturités bilingues, ou accepter une forme de classes d'élite? Le Valais a choisi une troisième voie, en ne fixant pas de conditions d'accès et de promotion dans ces filières.
Cédric Guigon/kkub