Le visage juvénile de Sékou s'illumine lorsqu'il parle de football. "Mon rêve, c'est de finir mon académie", confie-t-il, les yeux pleins d'espoirs. L'académie, pour lui, c'est l'école de football. Le jeune Guinéen vit depuis une semaine chez le père Don Giusto della Valle, dans la petite paroisse de Rebbio, un quartier populaire de Côme. Comme plusieurs centaines de migrants, Sékou a buté sur la douane de Chiasso. La Suisse ne devait pourtant constituer que quelques heures de voyage sur sa route.
"Je voulais aller en Allemagne parce que les gens disent que si tu y vas, on va t'aider et que tu pourras faire ce que tu veux là-bas", raconte-t-il timidement. Marqué par ses deux renvois, le garçon ne veut plus répéter l'expérience. "Peut-être qu'une académie peut me prendre ici", poursuit-il.
L'adolescent a quitté la capitale guinéenne Conakry en décembre dernier. C'est sa mère qui a arrangé son départ pour l'Europe. Un homme l’a d'abord emmené en bus à 5000 kilomètres de chez lui, dans la ville libyenne de Sabratah, au bord de la Méditerranée. Là, il a rejoint la route de dizaines de milliers d'autres migrants venus de la moitié du continent africain. En attendant les eaux calmes du printemps, Sékou raconte avoir beaucoup souffert en Libye, souvent battu par "les gardes", avant, d'enfin, traverser la mer sur une "pirogue fabriquée sur place".
A Côme, il ne reste que les pauvres et les faibles. Les autres sont déjà passés depuis longtempsDon Giusto della Valle, prêtre
Sékou fait partie des 460 mineurs non accompagnés que Don Giusto della Valle a accueillis dans sa modeste paroisse depuis mi-juillet, au moins le temps d'une douche et d'un repas. Sans bagage ni papiers, la grande majorité, âgée de 15 à 18 ans, arrive d'Erythrée et d'Ethiopie. Remis par la Suisse à la police italienne, les mineurs sont confiés à Caritas, qui cherche ensuite à les placer dans des centres d'accueil. La plupart d'entre eux repartent rapidement. "Ils ne veulent pas être dans des structures", explique le prêtre, qui les laisse en "totale liberté". "A Côme, il ne reste que les pauvres et les faibles. Les autres sont déjà passés depuis longtemps”, poursuit Don Giusto, devenu en ville l'une des grandes figures de la cause des migrants.
Les rares qui séjournent quelque temps chez lui bénéficient de cours d’italien, donnés par des bénévoles. Objectif: au moins 12 heures d'école par semaine. Avant qu'ils ne s'en aillent pour le nord, Milan ou pour tenter leur chance ailleurs. Moins d'une vingtaine ont demandé l'asile en Italie. Et les autres? Le prêtre ne sait pas ce qu'il est advenu d'eux. Quelques-uns ont probablement été accueillis en Suisse. Et, à quelques kilomètres de son église, une trentaine de mineurs bivouaquent toujours dans le camp, à la gare de Côme.
Promesses des passeurs
Bien qu'il ait renoncé à rejoindre le nord, Sékou ne veut pas demander l’asile en Italie. Du moins, pas pour l'instant. En fait, il ne semble pas vraiment comprendre de quoi il s'agit. Esseulé, l'adolescent songe surtout à rejoindre le camp à Côme. “Peut-être que là-bas certains peuvent m'aider à aller à l'académie”, répète-t-il.
L'oreille attentive de Don Giusto ne suffit pas. Sékou croit encore aux promesses des passeurs, que le football lui permettra de faire venir sa mère de Guinée. Tous les soirs, il s'entraîne sur le terrain en face de la paroisse, avec ses seules valeurs: une paire de baskets et un ballon de la taille d’une balle de tennis.