Alors que le procès de Fabrice A. s'ouvre lundi, la RTS a recueilli les témoignages d'une des femmes agressées par le meurtrier présumé d'Adeline, du compagnon de la sociothérapeute et d'une ex-petite amie de l'accusé.
Le compagnon d'Adeline
Le compagnon d’Adeline Juan Poy témoigne d’emblée son appréhension: "Je sais que je vais vivre dans la douleur et perdre beaucoup de temps. Mais mon devoir est de transmettre ce que peuvent vivre les victimes." "Il y a quelque chose de dérangeant. On donne une sorte de tribune à des personnes qui aiment ça. C’est comme un prolongement du meurtre. On leur permet de jouir à nouveau de cela", poursuit-t-il.
Si la mort d'Adeline peut réussir à faire évoluer notre système, je suis preneur
Mais Juan Poy ne redoute pas pour autant la confrontation avec le meurtrier présumé de sa compagne. Il compare Fabrice A. à une tique parasite et suceuse de sang: "Une image me vient. Il y a quelques semaines, j’ai enlevé une tique sur la joue de mon chat. Elle faisait son job, elle lui suçait le sang et le parasitait. Alors je l’ai enlevée. Je n’avais pas spécialement de colère envers elle. Je m’en suis débarrassé c’est tout."
Trois ans après le meurtre, il avoue ne pas réussir à reprendre une vie "normale", car celle-ci est "rythmée par toutes ces procédures". Il craint néanmoins que ce type de drame ne se reproduise: "Si la mort d'Adeline peut réussir à faire évoluer notre système, je suis preneur", conclut-il.
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Une de ses premières victimes
Avant de s'en prendre à Adeline, Fabrice A. avait déjà commis deux viols en 1999 et 2001. Condamné en appel à 5 ans de prison par la justice genevoise pour la première agression (il avait d'abord écopé de 18 mois avec sursis, ndlr), il avait récidivé alors qu'il était en liberté provisoire. Condamné à 15 ans de réclusion en France en 2003, il avait obtenu son transfèrement en Suisse en 2008.
La première agression s'était produite dans la région genevoise et la seconde dans un bois à Ferney-Voltaire (F), à quelques kilomètres à peine du lieu où le corps de la sociothérapeute a été retrouvé à Bellevue (GE). Fabrice A. avait utilisé des menottes et un couteau.
J'ai été trahie par mon pays, c'est ça qui fait mal
Rachel, victime de Fabrice A. en 2001, fait part de sa "colère" et dénonce un meurtre qui s'est produit dans un "même endroit" et avec le "même mode opératoire". "On ne l'a pas juste laissée partir avec lui, (..) on a organisé pour Adeline une sortie sur le modèle des crimes" de Fabrice A.
"J'ai été trahie par mon pays, c'est ça qui fait mal", indique encore Rachel, évoquant la décision de transférer Fabrice A. en Suisse, "à deux kilomètres de chez moi". Et "quand on sait ce qu'il m'a fait et qu'on voit la sortie qui a été prévue pour lui, ce n'est pas possible! Il y a juste quelqu'un qui a dû oublier de lire le dossier", s'indigne la victime.
Rachel explique s'être battue pendant deux ans, "pas juste pour que le viol n'arrive plus, mais pour que l'assassinat n'arrive pas". Car elle était certaine que "la prochaine" allait y passer. "Ca tient à très peu de choses qu'il ne m'ait pas égorgée" et "j'ai vu un homme excité à l'idée d'égorger", explique-t-elle.
L'ex-compagne menacée
Francine, ancienne compagne de Fabrice A., dépeint un homme normal en apparence et même charmeur au moment de leur rencontre fin 1996 alors que celui-ci travaillait dans la restauration.
Au cours de la relation de trois mois, Fabrice A. a toutefois commencé à "placer dans les conversations le fait qu'il avait envie de me trancher la gorge", raconte Francine. Et "ce n'était pas sur un ton plaisantin, c'était dit comme un fait; il aimerait bien", ajoute-t-elle.
Cette allusion s'est reproduite plusieurs fois, jusqu'à ce que Fabrice A. réitère la menace tout en plaçant un couteau sous la gorge de sa compagne, avant de s'en aller. Une forme de passage à l'acte, selon Francine, qui estime que l'issue aurait pu être différente, "si je n'avais pas eu des invités ce soir-là...".
rtsinfo
Rappel des faits
Le procès de Fabrice A., le meurtrier présumé d'Adeline, s'ouvre le 3 octobre et doit durer 10 jours. L'ancien détenu de la Pâquerette, 42 ans, devra répondre de l'assassinat de sa sociothérapeute. Il risque l'internement à vie.
En 2013, l'accusé, condamné à 20 ans de prison cumulés pour deux viols, avait obtenu la permission de faire une sortie thérapeutique accompagnée dans un centre équestre. Le but était de le préparer à une éventuelle libération conditionnelle.
Les responsables du manège n'ont jamais vu arriver Fabrice A. et son éducatrice. Au lendemain de sa disparition, Adeline, 34 ans, a été retrouvée égorgée, attachée à un arbre, dans un bois tout proche du centre équestre, à Bellevue (GE). L'accusé a été arrêté, après trois jours de traque, en Pologne, près de la frontière allemande.
Conséquences politiques
Le meurtre d'Adeline a secoué le monde politique. Une enquête administrative a rendu un rapport sévère.
La directrice du Service d'application des peines et des mesures (SAPEM) et la responsable du centre de sociothérapie de la Pâquerette se sont aussi retrouvées au coeur de la tempête.
Le Grand Conseil a également voté la création d'une commission d'enquête parlementaire qui rendra son rapport d'ici à janvier 2017.
L'établissement de la Pâquerette, dont la mission était de resocialiser les détenus souffrant de graves troubles de la personnalité, a été fermé après le drame.
Les détenus genevois et romands atteints de troubles psychiques purgent désormais leur peine à Curabilis. Ce nouvel établissement a été inauguré en avril 2014 à Puplinge (GE).
Les témoignages qui éclairent le procès de Fabrice A., meurtrier présumé d'Adeline
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