Après l'interdiction de la mendicité sur tout le canton de Vaud, la question continue d'alimenter les débats. Pour expliquer le malaise suscité par la mendicité, le sociologue Jean-Pierre Tabin évoque, au micro du Journal du matin de la RTS, une certaine défaillance de l'Etat.
"Historiquement, la prise en charge de la pauvreté par l'Eglise, puis par l'Etat, visait en partie à faire le tri entre le bon et le mauvais pauvre. Dans notre imaginaire, ceux qui ne sont pas aidés sont donc considérés comme des mauvais pauvres", raconte le professeur.
Or, en restreignant la mendicité, ces personnes sont criminalisées, amendées, mises en prison lorsqu'elles ne paient pas leurs amendes, et finalement expulsées du territoire. Un processus qui renforcerait, selon le sociologue, l'idée que cette pauvreté n'a pas de place sur les trottoirs helvétiques.
Rappelant le préambule de la Constitution fédérale qui dit qu'un pays se mesure à la manière dont il traite le plus faible de ses membres, Jean-Pierre Tabin estime que "la Suisse traite les plus faibles de ses membres en les criminalisant".
Une mendicité "racisée"
Si la mendicité n'est pas un phénomène nouveau, y compris en Suisse, une distinction nouvelle est apparue par rapport au passé, celle d'une mendicité "racisée". "Il existe beaucoup de discours anti-Roms autour de la mendicité", soutient le sociologue. Cette population serait même l'une des caractéristiques des interdictions de la mendicité en Europe. "Les Roms sont très mal définis, très stéréotypés et les discours à leur sujet sont extrêmement agressifs", déplore Jean-Pierre Tabin.
Dénonçant ce type de discours notamment lors des débats au Grand Conseil vaudois, le professeur de l'EESP cite son confrère Eric Fassin, qui soutenait qu'"il suffit de remplacer le terme Rom par le terme Juif pour voir qu'on ne pourrait jamais tenir ce genre de discours en parlant des juifs".
fme