La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents affirme qu'elle utilisait des détectives une quinzaine de fois par an pour traquer certains fraudeurs, sur plusieurs centaines de cas de fraudes par an.
Interrogée par La Liberté, Lisa Estermann, employée au service de lutte contre la fraude à la Suva, affirme que la décision européenne prive la caisse de moyens d'action et demande que les politiques "élaborent rapidement une loi qui nous permette de reprendre cette pratique, avec des règles claires".
Un soupçon concret
"Sinon, ce seront des millions de francs d'indemnités indûment payées qui ne seront pas récupérés", ajoute-t-elle. Et "ce seront employeurs et employés qui paieront la facture."
"Nous n'engageons un détective qu'en ultime recours, pour les cas qui permettent une importante économie, par exemple une rente de 300'000 à 500'000 francs", assure Lisa Estermann, précisant n'agir que sur un soupçon concret basé sur une dénonciation crédible.
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La décision européenne
Le 18 octobre, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait donné raison à une Suissesse qui se plaignait d'avoir été filée par des détectives privés mandatés par son assureur à propos d'un litige portant sur son taux d'invalidité.
La requérante, une femme de 62 ans domiciliée près de Zurich, était en conflit avec son assureur depuis plus de 20 ans, à propos de son taux d'invalidité consécutif à un accident survenu en 1995. L'assurance maladie lui avait reconnu un taux d'invalidité de 100% en mars 2002.
Son assureur privé, qui ne lui reconnaissait que 10% de taux d'invalidité, l'a faite surveiller sur une longue période par des détectives privés. Et les juges européens ont estimé que les méthodes employées par l'assureur avaient porté atteinte au respect de sa vie privée.
La surveillance opérée par les détectives n'avait pas été assez encadrée et ne comportait pas suffisamment de garanties contre une éventuelle divulgation d'information concernant cette femme.
Les cas de fraude augmentent
Selon des chiffres fournis par La Liberté, le nombre de cas de fraude enregistrés à la Suva prennent l'ascenseur depuis quelques années. On dénombrait 140 cas en 2007, 263 en 2011, 343 en 2014 et même 574 cas en 2015.
Une estimation pour 2016 fait état d'un bond à 800 cas pour 2016.
Au total, 450'000 accidents sont déclarés chaque année à la Suva.