Lors d'un symposium organisé mercredi par le CHUV et l'Entraide protestante (EPER), des experts en droit et des professionnels de la santé ont pointé du doigt des cas d'auditions bâclées ou encore l'usage controversé d'analyses osseuses.
Ces professionnels viennent appuyer des critiques émises récemment par Amnesty International contre certaines pratiques du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) dans la détermination de l'âge de jeunes migrants.
Les critiques concernent tout d'abord les auditions, qui se passent avec un expert du SEM et un interprète, sans aucune personne de confiance pour le jeune. Une entrée en matière problématique sachant que ces personnes souffrent souvent de plusieurs traumatismes.
De plus, les autorités auraient tendance à écarter trop rapidement des documents officiels, notamment afghans, somaliens ou érythréens, documents considérés comme des faux. Une pratique non confirmée par le SEM.
"Scientifiquement pas défendable"
"On est un peu victime des erreurs qui sont des fois faites au centre d'enregistrement et de procédure de Vallorbe", relève Sarah Depallens, cheffe de clinique de la division interdisciplinaire de santé des adolescents au CHUV, qui se défend toutefois de jeter la pierre sur ce centre.
Selon elle, on ne peut pas se permettre, sur la base d'un entretien, même avec un interprète, de dire qu'une personne est majeure ou mineure. "On ne peut pas faire ça, ce n'est scientifiquement pas défendable", estime Sarah Depallens.
Les radiologies osseuses (du poignet, de la clavicule ou du sternum) sont aussi très controversées. Les Sociétés suisses de pédiatrie et de radiologie pédiatrique condamnent leur usage arguant que les résultats sont trop imprécis et les irradiations inutiles pour des patients en bonne santé.
Le SEM - qui y aurait toujours recours dans ses centres à Zurich et à Bâle - estime que ces examens représentent un indice faible parmi d'autres, utilisés en dernier recours puisqu'ils coûtent cher.
Les professionnels de la santé critiquent aussi l'usage occasionnel d'examens génitaux. "On ne peut pas aller vérifier et essayer de dater l'âge d'un enfant uniquement sur la base de ces examens. C'est totalement inutile, totalement traumatisant pour le jeune."
Examen morphologique seulement
Contacté par email, le SEM précise que "dans sa phase test, afin d'évaluer la minorité d'un requérant dénué de document d'identité valable, le centre fédéral de Zurich a requis auprès d'un institut médico-légal un examen reposant sur une méthode scientifique basée sur différents critères (examen morphologique, radiographie osseuse du poignet, examen dentaire et tomographie des clavicules). Il s’agit donc d’un examen morphologique et non pas d’un examen des parties génitales."
Le SEM ajoute que "la plupart des pays européens que les Etats-Unis se fondent sur des examens médicaux similaires à ceux appliqués en Suisse. Il faut également rappeler que le principe du faisceau d'indices sérieux reste la méthode d'appréciation usuelle."
Pour une approche pluridisciplinaire
Médecins, juristes et ONG restent convaincus que ces pratiques approximatives peuvent avoir des conséquences graves: prendre un mineur pour un majeur lui enlève tous les droits et la protection dont il devrait bénéficier. D'autant plus qu'en Suisse les mineurs non accompagnés sont extrêmement bien soutenus et encadrés.
En cas de doute quant au statut de mineur d'une personne, les professionnels de la santé et du droit, tout comme les ONG appellent à une nouvelle approche pluridisciplinaire, où le jeune n'aurait plus à prouver sa minorité, comme ça se fait déjà dans plusieurs pays européens.
Marc Menichini/lgr