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Neuf chauffards sur dix restent libres avec la contestée Via Sicura

Une initiative parlementaire et une initiative populaire demandent un assouplissement de Via Sicura
Une initiative parlementaire et une initiative populaire demandent un assouplissement de Via Sicura / 19h30 / 4 min. / le 20 novembre 2016
Neuf chauffards sur dix ne finissent pas en prison, depuis l'entrée en vigueur de Via Sicura en Suisse en 2013, selon les chiffres que s'est procurée la RTS. Mais pour certains, ces mesures vont tout de même trop loin.

Il y a plus de trois ans, le Parlement adoptait une série de mesures pour renforcer la sécurité routière à la suite de plusieurs rodéos mortels. Dans ce paquet, le délit de chauffard instaurait une peine automatique d'un an de prison avec sursis, mais ferme en cas de récidive.

Depuis l'entrée en vigueur de Via Sicura, 67 personnes ont fini derrière les barreaux pour un délit de chauffard, dont 29 Romands, d'après les chiffres de l'Office fédéral de la statistique (OFS) portant sur une période allant de janvier 2013 à avril 2016. Fribourg fait partie des cantons romands les plus stricts, avec six cas recensés. Ces peines fermes restent cependant rares: 90,7% des condamnés ne vont pas en prison.

Pour le conseiller aux Etats Robert Cramer (Verts/GE), ces chiffres sont la preuve qu'il n'y a pas d'abus avec Via Sicura. "On ne doit pas affaiblir des mesures qui en viennent à protéger des vies humaines", estime-t-il.

"Conserver une proportionnalité"

Un point de vue que ne partage pas le conseiller national Jean-Paul Gschwind (PDC/JU), fer de lance du combat contre la sévérité de Via Sicura. L'élu a déposé en septembre une motion sur le sujet. "Que l'on mette une peine de prison à un vrai chauffard, celui qui a commis un accident avec des morts ou blessés à la clé, je ne le discute pas", explique-t-il. "Mais que l'on donne des peines exemplaires à des gens qui ont fait un dépassement de vitesse, certes exagéré... il faut tout de même garder une proportionnalité."

Durant l'été 2013, Carlos est devenu le premier Romand à écoper de six mois de prison ferme pour un délit de chauffard. Alors qu'il se trouvait à moto entre Bulle et Fribourg, il a dépassé un véhicule en poussant jusqu'à 148 km/h. Le jeune homme avait déjà fait l'objet d'un premier retrait de permis à la suite d'un excès de vitesse grave en 2007.

Carlos s'est retrouvé à la prison centrale de Fribourg, détenu avec des délinquants au casier bien rempli. Pour le motard, cette situation est aberrante. "On traite les gens ainsi lorsqu'ils ont tué quelqu'un, braqué quelque chose, mais pas pour un excès de vitesse", argumente-t-il.

Une initiative populaire lancée

En mai dernier, un groupe d'élus a décidé de lancer une initiative populaire pour dénoncer ce qu'ils estiment être les excès de Via Sicura. Ils réclament notamment davantage de marge d'appréciation pour les juges. La récolte de signatures court jusqu'à l'année prochaine.

Certains policiers se montrent également mal à l'aise face aux peines de prison ferme. "Nous ne sommes pas là pour mettre sous l'eau la tête des gens qui ont fauté", réagit Jean-Marie Bornet, chef de l'information et la prévention de la police cantonale valaisanne. "Avec des mesures trop dissuasives, il n'est pas simple pour la police de faire son travail en bout de chaîne, nous sommes l'émissaire de tout cela..."

Cécile Tran-Tien/tmun

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Un délit de chauffard, c'est quoi?

Avec Via Sicura, est réputé "chauffard" quiconque dépasse la vitesse autorisée de la manière suivante:
- D'au moins 40 km/h, là où la limite était fixée à 30 km/h
- D'au moins 50km/h, là où la limite était fixée à 50km/h
- D'au moins 60km/h, là où la limite était fixée à 80km/h
- D'au moins 80km/h, là où la limite était fixée à plus de 80km/h

La peine encourue est d'au minimum deux ans de retrait de permis et une peine privative de liberté automatique d’un an. En pratique, le sursis est automatiquement accordé, sauf en cas de récidive.