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"Les hommes du Gothard", des vies dans l'ombre du chantier du siècle

2016. Les hommes du Gothard [RTS/Capture d'écran]
Les hommes du Gothard / Le doc du lundi / 75 min. / le 28 novembre 2016
Le tunnel ferroviaire du Gothard, qui sera mis en service en décembre, n'aurait pas pu être percé sans le travail de nombreux ouvriers, souvent étrangers. Deux réalisateurs ont suivi la vie de six d'entre eux pendant 12 ans.

"Le tunnel, c'est comme la cigarette, comme une drogue. Tu y entres un peu pour plaisanter et tu n'en ressors plus". Ces propos sont ceux de Beppe Liuzzo, l'un des mineurs dont Mario Casella et Paul Nicol ont recueilli le témoignage pour le documentaire "Les hommes du Gothard" diffusé lundi soir par la RTS.

Face à la caméra, ce Sicilien, qui a passé plus de 20 ans à tourner sur les chantiers, parle avec des trémolos dans la voix de la souffrance d'être loin des siens, du mal du pays, de l'avenir incertain. Cette offre en Suisse, pour creuser le plus long tunnel ferroviaire au monde, il ne pouvait pas la refuser "parce que 1000 euros par mois pour nourrir une famille, ça ne suffit pas", explique son fils Matteo. Mais cela n'était pas sans risque. En juin 2012, Beppe se tue en tombant d'un échafaudage.

C'est une vie de chien, mais il y a une satisfaction de participer à de tels ouvrages

Ilario Della Valle, mineur

"Un accident tragique", commente Francesco Guarnaccia, un autre Sicilien employé sur le tunnel de base du Gothard. Lui a refait sa vie en arrivant au Tessin: nouvelle compagne, maison près de Locarno... "Aucun système de tournus ne peut diminuer l'impact de la distance sur les familles", observe cet électricien aujourd'hui grand-père.

Un rythme éreintant

Neuf jours de travail, trois jours de congé. Le rythme est éreintant. Comme le cadre de travail des mineurs, dans des galeries à des centaines de mètres sous terre, et dont on perçoit l'obscurité, la chaleur et le bruit entre deux témoignages.

Mais le rythme est d'autant plus épuisant que leur horaire à peine terminé, les ouvriers prennent la route pour rejoindre leurs proches. Parfois, ils mettent 12 heures pour rentrer chez eux, rappelle le documentaire.

Réalité économique

Car la réalité économique est bien là pour ces travailleurs précaires, souvent peu diplômés, qui exportent leur savoir-faire d'un chantier à l'autre, du métro de Gênes au tunnel du Gothard ou à celui du Ceneri. Des villages entiers dépendent du revenu de ces hommes de l'ombre qui craignent plus que tout de ne pas retrouver un emploi, aussi harassant soit-il.

"C'est une vie de chien, mais il y a une satisfaction de participer à de tels ouvrages", confie Ilario Della Valle, un vétéran des tunnels. "Quinze ans ont passé ainsi, comment est-ce possible?", s'interroge de son côté Salvatore Bongiovanni, père de deux enfants. Et d'avouer: "La Suisse m'a beaucoup aidé. D'un point de vue économique, ça a été ma chance".

Juliette Galeazzi

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Le tunnel du Gothard, l'ouvrage de tous les superlatifs

Fin 2016, le temps de parcours en train entre le nord et le sud de l'Europe sera réduit d'une demi-heure grâce à la mise en service du tunnel de base du Gothard à l'occasion du changement d'horaire des CFF.

Il s'agit du plus long tunnel ferroviaire au monde, d'une longueur de 57,1 kilomètres entre Erstfeld, dans le canton d'Uri, et Bodio, au Tessin. Les trains atteindront une vitesse maximale de 250 km/h dans cet ouvrage inauguré le 1er juin 2016 au terme de dix-huit ans de travaux. Un chantier qui a coûté la vie à neuf mineurs.