Doris Leuthard a été élue à la présidence de la Confédération par l'Assemblée fédérale par 188 voix sur 207 bulletins valables. A noter que 19 bulletins ont désigné des personnalités diverses, dont 11 pour Ueli Maurer. L'Argovienne succédera à Johann Schneider-Amman le 1er janvier.
Le socialiste fribourgeois Alain Berset a pour sa part été élu à la vice-présidence par 187 voix sur 206 bulletins valables. Les deux dirigeants ont ensuite été longuement applaudis par les élus présents dans la salle du Conseil national avant de recevoir des bouquets de fleurs.
A la tribune, où elle s'est exprimée en trois langues, Doris Leuthard a remercié les députés pour leur confiance et a dit son ambition de préserver une place économique forte, via les accords bilatéraux. Elle a aussi insisté sur les enjeux majeurs que sont des infrastructures de bonne qualité, une sécurité sociale stabilisée et financée, la réforme des retraites et la lutte contre le réchauffement, notamment en diminuant la consommation d'énergie.
Un tunnel et un manteau
Doris Leuthard, qui est à la tête d'un département mammouth, le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC), sort d'une année riche en combats politiques avec presque autant de victoires à la clé. A l'image du vote sur la sortie du nucléaire fin novembre, quand la démocrate-chrétienne a su convaincre que son programme énergétique était plus judicieux qu'une sortie rapide de l'atome.
Alliée à la gauche pour repousser l'initiative dite "vache à lait" et à la droite pour appuyer la construction d'un deuxième tube routier au Gothard, Doris Leuthard sait trouver des alliances pour faire passer ses projets, grâce aussi au soutien de son parti et à ses affinités au Parlement. En 2016, elle a aussi gagné les campagnes contre les initiatives "En faveur du service public" et "Pour une économie verte".
Et l'élue PDC devra encore repartir au combat en vue de votations sensibles, dès le mois de février avec le vote sur FORTA, le fonds pour les routes nationales. Et tenter de repousser les assauts de la droite lors du débat sur le service public au National. Avant peut-être de céder sa place, certains imaginant qu'elle quittera le Conseil fédéral après son année présidentielle. A moins qu'elle souhaite mener jusqu'au bout le combat contre la suppression de la redevance radio-TV.
C'est encore au Gothard que Doris Leuthard a connu l'apogée de son année 2016 avec l'inauguration du tunnel ferroviaire le plus long du monde en compagnie des principaux dirigeants européens. La cheffe du DETEC s'y est fait remarquer par une émotion sincère et par une tenue à trous qui a fait couler beaucoup d'encre.
Des bottes et une vignette
Née le 10 avril 1963 à Merenschwand, dans la campagne argovienne, Doris Leuthard est avocate de formation. Elle effectue ses débuts en politique en 1997, quand elle entre sous la bannière du PDC au Grand Conseil argovien. L'élue n'y reste que trois ans, puisqu'elle est plébiscitée en 1999 pour entrer au Conseil national.
Ensuite, alors que le PDC s'érode et que le parti vient de perdre son deuxième siège au Conseil fédéral, Doris Leuthard reprend la présidence du parti en 2004, renforçant son aile centriste.
Quand le ministre PDC Joseph Deiss annonce son départ, l'Argovienne se lance logiquement dans la course au Conseil fédéral, dont elle devient vite la grande favorite. Et elle accède quasi naturellement au Conseil fédéral dès le premier tour le 14 juin 2006, reprenant dans la foulée le Département fédéral de l'économie des mains de son prédécesseur. Elle subit de plein fouet les critiques des milieux agricoles, recevant même un jet de bottes en 2009 à Saignelégier (JU).
C'est en 2010 que Doris Leuthard choisit de changer d'orientation et d'affirmer son goût pour les transports et l'environnement. Elle change de département et prend les rênes du DETEC enregistrant plusieurs succès, mais aussi avec deux cinglants revers, comme le refus de l'augmentation de la vignette à 100 francs et surtout l'acceptation de l'initiative sur les résidences secondaires.
Des urnes et un sourire
Alors qu'elle est la membre du Conseil fédéral depuis le plus longtemps en fonction, aucune usure ne semble poindre. On la voit toujours aussi travailleuse et déterminée, on la dit franche et inflexible.
Résumant ce tempérament, Le Temps la décrit comme une "stakhanoviste qui déteste perdre", surtout dans les urnes, alors que 24 heures insiste sur une autre dimension, "le pouvoir en souriant". Car Doris Leuthard, c'est aussi un sourire toujours vissé au visage et une popularité au plus haut, bref une diplomatie par le charme.
Frédéric Boillat
Une bonne élection
Doris Leuthard a récolté 188 voix pour son élection, soit à peine moins que les 196 de Johann Schneider-Amman l'an dernier, mais plus que lors de sa première élection en 2009 (158).
Simonetta Sommaruga avait elle récolté 181 voix en 2014, Didier Burkhalter 183 voix en 2013 et Ueli Maurer 148 voix en 2012. La socialiste Micheline Calmy-Rey s'était distinguée par un très piètre 106 voix en 2010.