Août 2016. L'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) assure que les anomalies de fabrication relevées à la forge du Creusot, en France, ne concernent pas la Suisse, bien que des pièces soient utilisées à Leibstadt et Beznau. Le gendarme du nucléaire se dit satisfait de la documentation fournie par le fabricant, Areva. Le volet suisse de l'affaire semble clos, alors qu'en France les réacteurs sont arrêtés à la chaîne pour procéder à des contrôles.
Décembre 2016. L'IFSN veut "des clarifications". Elle indique à la RTS qu'elle procède à "des analyses complémentaires concernant les pièces forgées provenant de France et du Japon".
Résistance du générateur de vapeur
L'affaire rebondit et s'étend donc à un fabricant japonais, Japan Casting and Forging Corp (JCFC), qui n'avait jusqu'à maintenant jamais été mentionné par l'IFSN. Comme pour les pièces du Creusot, c'est l'Autorité de sûreté nucléaire française (ASN) qui a averti, en juin, que l'acier des générateurs de vapeur fabriqués par JCFC peut présenter une concentration trop importante en carbone. Ce taux altère la capacité de résistance de l'acier, et donc potentiellement sa sûreté.
Pour l'instant, l'IFSN n'a pas été en mesure de préciser quels réacteurs ni quelles pièces sont concernés par les contrôles.
Flou de l'IFSN
"Les analyses en cours sont internes à l'IFSN", a succinctement indiqué son porte-parole David Suchet. En quoi consistent-elles? "Je ne sais pas", répond David Suchet. Quant à interroger un spécialiste du dossier, l'IFSN réplique qu'elle ne veut pas donner plus d'informations à ce sujet. Le gendarme du nucléaire répète simplement être en contact avec l'ASN et qu'il effectue un suivi de l'affaire.
Afin d'obtenir des précisions sur les risques liés à ces anomalies, nous avons demandé à l'IFSN en vertu de la loi sur la transparence de pouvoir consulter sa correspondance avec l'ASN. Réponse: aucun document officiel ne correspond à notre requête. Une rencontre avec son homologue français en septembre n'a visiblement pas laissé de trace écrite. Impossible, pour l'heure, d'obtenir plus d'informations.
Multiples réacteurs arrêtés en France
Si côté suisse on attend, la France a elle pris des mesures rapides et radicales. L'Autorité de sûreté nucléaire a, déjà en juin, exigé des analyses qui ont nécessité l'arrêt de nombreuses centrales afin de tester sur place les matériaux. Sur les 18 réacteurs concernés, quatre seront encore arrêtés début 2017.
Les premiers résultats ont montré que les concentrations en carbone dans l'acier, qui devaient être de 0,2%, allaient jusqu'à 0,4%, soit le double du niveau attendu, surtout pour les pièces japonaises. Depuis la rentrée, l'ASN s'est d'ailleurs focalisée sur les générateurs de vapeur de JCFC.
"10'000 dossiers à revoir"
Lundi, le gendarme français du nucléaire a toutefois donné son feu vert "sous réserve de vérifications" au redémarrage prochain de 8 des 12 réacteurs équipés par JCFC. Il a jugé que les anomalies détectées jusque-là ne remettaient pas en cause la sûreté des centrales. L'exploitant EDF espère un redémarrage le 31 décembre, après des mois d'arrêt. Quant aux six réacteurs équipés par le Creusot, ils ont déjà redémarré.
Mais de nouveaux rebondissements sont attendus ces prochains mois. Dans une interview accordée au Figaro fin novembre, le président de l'ASN Pierre-Franck Chevet a déclaré qu'en raison des falsifications découvertes à la forge du Creusot "il y a près de 10'000 dossiers à revoir par Areva" et que "cette revue complète amènera très certainement à mettre en évidence de nouvelles anomalies".
Valentin Tombez
Retour sur l'affaire du Creusot
Suite à la découverte en 2015 d'un défaut de fabrication dans une cuve forgée pour un futur réacteur à Flamanville, l'Autorité de sûreté nucléaire française a déclenché une vaste campagne de contrôles.
Un audit a montré que Creusot Forge, l'entreprise française spécialisée dans la production de grandes pièces pour des réacteurs nucléaires et appartenant à Areva, a falsifié les contrôles de qualité de quelque 400 pièces depuis 1965.
Après cette découverte, l'ASN a entrepris une revue complète des dossiers de la forge du Creusot. Celle-ci devrait durer un à deux ans.