Combien faut-il investir pour conserver une offre attractive? Les stations suisses sont-elles compétitives? L’expert en remontées mécaniques Laurent Vanat tord d'emblée le cou à un cliché: les stations suisses ne sont pas à la traîne. Ce sont les stations italiennes qui investissent le plus en Europe, proportionnellement à leur offre. "La Suisse est sur un pied d’égalité avec la France et l’Autriche"-
L'enquête de la RTS auprès des stations suisses montre que les sociétés les plus grandes sont celles qui affichent les plus gros volumes d'investissement. Championne toutes catégories, Zermatt a investi 335 millions sur 10 ans. Directeur des Zermatt Bergbahnen, Markus Hasler explique ce succès par la fusion des 4 anciennes sociétés en 2002 déjà. "Cette fusion a rendu possible un cash flow entre 25 et 30 millions. Avant, il n'était simplement pas possible d'investir autant".
Aujourd’hui, Zermatt est avec la Région Jungfrau l'un des domaines suisses les plus rentables. Les clés du succès reposent sur le marketing et une amélioration des liaisons entre les secteurs du domaine réalisée après la fusion.
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Nendaz et Veysonnaz fusionnent et investissent
Nendaz et Veysonnaz, qui viennent de fusionner, ont placardé sur les murs de plusieurs villes romandes une affiche, avec comme slogan principal l'investissement consenti cette année: 23 millions de francs. En petit caractère, on découvre que cet argent a notamment servi à construire une nouvelle télécabine et de l’enneigement mécanique.
L'affiche aux 23 millions visait notamment à "sortir de la tête des gens que cette fusion contestée aurait pu être pénalisante pour l'une ou l'autre partie du domaine", souligne Jean-Marie Fournier, l'administrateur-délégué de la société de remontées mécaniques NV Nendaz-Veysonnaz.
Nombreuses stations à la peine
Mais rares sont les stations qui dégagent un cash-flow suffisant pour investir sans difficultés. En fait, 90% des entreprises du secteur ne sont pas rentables et beaucoup dépendent d’aides publiques locales. La faute à des hivers doux qui pénalisent les stations de basse et moyenne altitude. La faute aussi au déclin inexorable du nombre de skieurs.
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Si Zermatt compte 90% de skieurs parmi ses touristes hivernaux, ils seraient moins de la moitié à St-Moritz ou Crans-Montana. Entre 2008 et 2016, la fréquentation hivernale des stations suisses a diminué d'un tiers (de 29,3 à 21,6 millions de journées-skieurs). Un recul qui s’observe partout en Europe.
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Le tout au ski est fini, mais sans le ski tout est finiLaurent Vanat, consultant spécialiste en remontées mécaniques
Pour l'heure, rares sont les stations à avoir mis la clé sous le paillasson: une douzaine en 10 ans, sur 150 stations en Suisse. En Valais, le Super-Saint-Bernard était dans cette situation. D’autres y réfléchissent, à l’instar de Charmey, qui devrait investir pour moderniser sa télécabine. D’autres régions très dépendantes du tourisme commencent à préparer une transition qu'elles espèrent la plus douce possible.
Après un moratoire de plusieurs années, le Canton de Vaud relance une politique de soutien à fonds perdus à ses stations alpines. Une première tranche de 13 millions a été décidée en 2016 et d’autres devraient suivre. Une part de la somme va à des installations de ski comme la modernisation de télésièges ou l’enneigement artificiel. Mais l’une des conditions à ce coup de pouce est que les stations développent une stratégie 4 saisons.
"Le tout au ski est fini, mais sans le ski tout est fini, souligne Laurent Vanat, consultant spécialiste en remontées mécaniques. Car l’été ne représente aujourd'hui en moyenne que 12% du chiffre d’affaire des remontées mécaniques en Suisse".
Pour les stations de montagne et les 70'000 emplois des remontées mécaniques suisses, il y a donc un potentiel à développer à la belle saison. Un moyen de compenser en partie la baisse des recettes hivernales.
Laurent Dufour