Le programme Erasmus souffle cette année ses 30 bougies. Créé en 1987, il a permis à plus de 5 millions d’universitaires européens de passer un ou plusieurs semestres à l'étranger, dont 3,3 millions d’étudiants.
C’est à la rentrée académique de 1992 que la Suisse l’intègre officiellement pour la première fois. Depuis lors, et au cours d’une histoire mouvementée (voir premier encadré), 90'184 personnes au total ont participé aux différentes versions du programme Erasmus dans le pays.
Près de 50'000 étudiants partis de Suisse
Selon des données de la Fondation CH compilées par la RTS, 40'658 étudiants ont quitté la Suisse pour aller étudier ou effectuer un stage dans une université ou haute école à l'étranger, tandis que 41'312 jeunes ont fait le chemin inverse et ont été accueillis dans une institution suisse.
Au total, ce sont donc 81'970 étudiants qui ont choisi de passer au moins un semestre en mobilité.
Erasmus permet également au personnel enseignant d’effectuer un séjour à l’étranger. Entre 1997 et 2015, 8214 personnes ont participé au programme de mobilité dans ce cadre, depuis et vers la Suisse.
Erasmus en péril après le vote du 9 février
Les universités de Lausanne, Genève, Fribourg et Neuchâtel, tout comme l’EPFL, ont constaté ces dix dernières années une hausse de leurs étudiants effectuant au moins un semestre à l’étranger. Cette tendance doit toutefois être mise en perspective avec le nombre croissant d'étudiants inscrits dans les diverses universités.
Une contraction du nombre de séjours en mobilité s’observe néanmoins depuis 2014 (voir graphique ci-dessus), en raison du contexte incertain lié à la votation du 9 février. Lancée par l'UDC, l'initiative "contre l'immigration de masse" a sérieusement menacé l'existence du programme Erasmus pour la Suisse.
>> Lire aussi : Bruxelles gèle les accords Erasmus et de recherche avec la Suisse et refusent d’accueillir
Certaines universités européennes
des étudiants provenant d’institutions suisses, ce qui pousse la Confédération à trouver une solution transitoire pour continuer à être associée au programme Erasmus+ pour la période 2014-2020.
Nommée Swiss-European Mobility Programme (SEMP), cette solution a été prolongée pour l’année 2017 par le Conseil fédéral et implique notamment la hausse des financements nationaux (voir second encadré).
>> Lire aussi : Les étudiants suisses pourront encore participer à Erasmus+ en 2017
Allemagne et Espagne, destinations privilégiées
Dans le classement des destinations les plus prisées par les étudiants en partance de Suisse, l’Allemagne (Berlin, Munich), l’Espagne (Salamanque, Madrid, Grenade) et le Royaume-Uni (Londres, Sheffield) figurent sur le podium.
Reste à savoir si les universitaires suisses ont eux aussi trouvé l'amour durant leur séjour en mobilité: en effet, selon une étude de la Commission européenne relayée par le Courrier international, un étudiant sur trois aurait trouvé l'âme soeur lors d'un Erasmus. Les couples ainsi formés auraient ensuite généré la bagatelle d'un million de bébés.
Stefan Renna
Une histoire mouvementée
- 1987 : L’Union européenne lance un nouveau programme destiné aux universités et hautes écoles intitulé European Action Scheme for the Mobility of University Students. Très vite rebaptisé « Erasmus », le projet est porté par 11 pays participants (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Irlande, Italie, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni). Il s’agit d’une des premières initiatives de Bruxelles qui ne soit pas axée exclusivement sur des aspects économiques.
- 1991 : La Suisse rejoint la liste des pays participant au programme Erasmus. Les étudiants des universités suisses pourront bénéficier du programme d'échange dès la rentrée de l'année académique 1992-1993.
>> Voir le sujet du Télé Journal du 9 octobre 1991 annonçant l'accord signé par la Suisse:
- 1995 : En raison du rejet de l’adhésion à l’EEE (en 1992), l’accord entre la Suisse et la Communauté européenne concernant la mobilité académique n’est plus automatiquement renouvelé.
- 1996 : La Suisse continue néanmoins d’être associée au programme Erasmus, via une « participation indirecte ». Toutefois, aucun accord bilatéral n’offre de garantie juridique.
- 2002 : Erasmus fête ses dix ans d'existence en Suisse. Le programme surfe à cette époque sur la vague du succès, notamment après la sortie la même année du film culte "L'Auberge espagnole", réalisé par le Français Cédric Klapisch.
>> Développement d'une conscience européenne, mélange des cultures, faire connaître la Suisse à ses voisins de l'Union: un sujet du TJ (10 juin 2002) prend le pouls de l'âge d'or d'Erasmus:
- 2010-2011 : L’UE et la Suisse signent un accord portant sur la formation en février 2010. Dès l’année suivante, la Suisse redevient ainsi un partenaire à part entière du programme Erasmus.
- 2014 : Après l’acceptation le 9 février de l’initiative « contre l’immigration de masse », l’UE gèle la participation de la Suisse au programme de recherche Horizon 2020 et exclut les étudiants suisses du programme Erasmus+. La Suisse a aujourd’hui retrouvé son statut d’Etat tiers au programme de l’UE pour l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport (dans lequel est contenu Erasmus).
>> Le 7 mars 2014, soit un mois après les votations, un sujet du 19h30 fait le point sur les propositions du Conseil fédéral:
Prise en charge nationale des coûts depuis 2014
La Fondation CH, l'agence nationale qui gère les programmes d'échange et de mobilité (et qui a passé aujourd'hui le témoin à Movetia), a engagé un budget de 18,7 millions de francs pour l'année 2016, contre 17 millions en 2015 et 16,7 millions pour 2014. Environ la moitié de ces montants est investie pour la mobilité entrante et sortante, a indiqué Movetia à la RTS.
Or, selon un principe de réciprocité, chaque pays associé au programme Erasmus doit uniquement assurer le financement des flux sortants via une contribution au budget commun. Mais depuis l'initiative "contre l'immigration de masse", la Suisse a retrouvé un statut d'"Etat tiers" et doit désormais financer également les mobilités entrantes.
Ce financement national est la solution transitoire imaginée par le Conseil fédéral pour tenter de sauver la participation suisse à Erasmus. Elle ponctue 30 ans de hauts et de bas et annonce un avenir incertain pour le programme européen d'échanges universitaires en Suisse.