Une procédure civile a été déposée devant le Tribunal de première instance de Genève contre le Centre hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) et le groupe Sanofi Aventis Suisse SA, domicilié à Vernier. La plaignante, Natascha Allenbach, est épileptique et a pris de la Dépakine pendant sa grossesse. En 2001, elle a mis au monde un enfant atteint du syndrome de valproate, une maladie directement liée à la prise de cet antiépileptique.
Le risque de malformations touche en moyenne 10 enfants sur 100 naissances lorsque la mère a reçu Dépakine au cours de sa grossesse.
Aujourd'hui, les effets secondaires de cet antiépileptique sont connus. Depuis 2015, la notice de la Dépakine indique clairement les risques : "Le risque de malformations touche en moyenne 10 enfants sur 100 naissances lorsque la mère a reçu Dépakine au cours de sa grossesse. On estime que 30 à 40% des enfants d'âge pré-scolaire dont la mère a pris Dépakine pendant la grossesse ont des problèmes de développement".
Médecins et laboratoire en cause
Début des années 2000, aucun médecin n'avait alerté cette maman. La famille, représentée par l’avocat Pierre Gabus, reproche à Sanofi de ne pas avoir mis à jour assez vite la notice de son antiépileptique pour informer les patientes. Les médecins du CHUV sont quant à eux accusés de ne pas avoir averti la jeune mère des risques pour son foetus et d'avoir même augmenté sa dose de Dépakine au cours du second trimestre de sa grossesse.
L'avocat de la famille réclame 3,5 millions de francs de dommages et intérêts. En cas de condamnation, cette somme devra être payée conjointement par le groupe Sanofi Suisse et l'Etat de Vaud qui représente le CHUV dans cette affaire.
Pas d'erreur selon le CHUV
Pour le professeur Leyvraz, directeur du CHUV, il n'y a eu aucune faute, toutes les procédures ont été respectées : "A l'époque on savait déjà clairement que la Dépakine avait des effets sur le fœtus dans le premier trimestre de la grossesse. On l'ignorait à plus long terme donc il me semble qu'au fond il n'y a pas eu d'erreur de prescriptions vu l'état des connaissances".
Le CHUV se dit prêt à collaborer avec la justice et à transmettre tous les documents nécessaires. "Maintenant, c'est dans les mains du juge et du tribunal. Si on reconnaît une erreur du CHUV et que cette erreur est avérée, nous assumerons notre responsabilité" explique Pierre-François Leyvraz.
Sanofi suisse se tait
De son côté, Sanofi Suisse a refusé toute interview malgré de nombreuses relances : "Nous sommes en train d'analyser la requête des plaignants et n'avons pas d'autre commentaire à ce stade. Nous souhaitons rappeler que Sanofi a toujours porté une attention particulière aux risques pouvant être liés à l'utilisation du valproate de sodium, notamment pendant la grossesse afin que les documents d'information soient toujours en adéquation avec l'évolution des connaissances scientifiques" explique Jacques-Henri Weidmann, directeur des affaires extérieurs de Sanofi Suisse.
Selon les chiffres communiqués par le CHUV, entre 2010 et 2016, 33 patientes épileptiques ont été suivies pour une grossesse, parmi elles, trois étaient sous Dépakine. Selon nos informations, deux autres plaintes sont en préparation en Suisse romande, cette fois-ci sur le plan pénal.
Cécile Tran-Tien
Qu'est-ce que la Dépakine ?
La Dépakine est un antiépileptique, commercialisé par le laboratoire Sanofi depuis 1978 en Suisse. C'est l'un des médicaments les plus prescrits pour soigner les personnes atteintes de l'épilepsie (près de 70 000 personnes en souffrent en Suisse) et les troubles bipolaires.
>> Le site de l'association suisse des victimes
Dix cas recensés, d'autres en suspens
Selon le dernier décompte fourni par Swissmedic en janvier 2017, seulement 10 cas de syndrome de valproate sont recensés en Suisse. Un chiffre largement inférieur à celui de la France qui recense 3590 victimes selon l'APESAC, l'association qui regroupe les familles victimes de la Dépakine.
Cependant, en Suisse la déclaration des effets secondaires graves n'est obligatoire que depuis 2012. Selon Lukas Jaggi, porte-parole de Swissmedic, le nombre de victimes peut encore évoluer car des dossiers seraient encore en cours d'examens dans les centres régionaux de pharmacovigilance.