Selon un arrêt du Tribunal cantonal de Fribourg, "Il y a lieu d'attacher plus de poids à l'opinion d'un expert qu'à l'appréciation du médecin traitant dès lors que celui-ci, vu la relation de confiance qui l'unit à son patient, est généralement enclin à prendre parti pour lui. (…) Le simple fait que le médecin est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas de douter de l'objectivité de son appréciation. (…) L'on ne saurait remettre en cause une expertise et procéder à de nouvelles investigations, du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contraire."
Cette pratique systématique est dénoncée par l'avocat Gilles-Antoine Hofstetter vendredi sur les ondes de la RTS. Le président de l'Assuas Vaud, l'association des assurés, a passé en revue tous les jugements dans lesquels les médecins conseils des assureurs ont mis en cause l'avis des médecins traitants.
Son constat est sans appel: au fil du temps, les tribunaux ont établi une véritable hiérarchie des avis médicaux: "Le Tribunal considère que le médecin conseil est totalement indépendant et impartial, ce qui n'est pas véritablement le cas: il a lui aussi une relation économique avec l'assureur, puisque le médecin conseil est payé par l'assureur."
Proximité et méconnaissance
Mais Alain-Gérard Scherwey l'entend autrement. Pour ce membre de la direction de SantéSuisse, la principale association des assureurs-maladie, le médecin conseil joue un "rôle d'expert neutre, pour conseiller l'assurance. Il a l'avantage d'avoir un regard un peu plus éloigné et donc plus objectif. En voyant passer énormément de cas, il peut respecter davantage qu'un médecin traitant l'obligation d'égalité de traitement."
A cette trop grande proximité du médecin traitant avec le patient, Fredi Bacchetto, délégué de la Société suisse des médecins-conseils, ajoute encore une méconnaissance du système d'assurance: "Les médecins traitants n'ont souvent pas le temps de se renseigner sur les notions légales de la LaMal. Le médecin conseil les connaît mieux, il doit les respecter. Cela ne correspond pas toujours à l'avis du médecin traitant."
Pour donner un exemple, Fredi Bacchetto cite beaucoup de médecins qui "ne savent même pas qu'il existe une liste de tous les médicaments que l'assurance peut prendre en charge".
Le médecin traitant, coupable idéal
Pour Gilles-Antoine Hofstetter, le médecin traitant semble donc être le coupable idéal pour justifier les refus des assureurs. L'avocat estime pour sa part qu'une appréciation médicale devrait dépendre de son contenu et non de qui l'a établie.
Il dénonce ainsi une véritable inégalité des forces entre assurés et assureurs: "Le patient est en situation de faiblesse. Comme l'avis du médecin traitant doit céder le pas à l'avis du médecin conseil, le patient ne pourra pas défendre ses droits."
Une victoire de l'assuré reste toutefois "possible, dit l'avocat. Mais dans de très rares cas, et pour autant que le médecin traitant monte un dossier abondamment motivé. Avec toute la charge administrative que cela représente, sans parler des frais médicaux et judiciaires".
Yves-Alain Cornu/fme