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Une guerre de tranchées s'annonce au Parlement sur la réforme des retraites

Réformes des retraites: la bataille AVS et LPP se prépare
Le Parlement se prépare à la bataille des retraites / 19h30 / 2 min. / le 26 février 2017
Le Conseil des Etats et le Conseil national se déchirent sur la réforme de la prévoyance vieillesse. Les deux Chambres doivent se mettre d'accord d'ici le 17 mars. Mais quelle que soit l'issue du débat, un référendum devrait être lancé.

UN OBJECTIF COMMUN

La droite et la gauche, soutenue par le centre, s'écharpent depuis plusieurs mois sur le paquet Prévoyance vieillesse 2020 d'Alain Berset. Alors que ses trois prédécesseurs se sont cassés les dents sur la question, le chef du Département fédéral de l'intérieur entend bien réussir cette réforme des retraites, jugée capitale pour pérenniser le système de prévoyance helvétique.

L'idée de la réforme - qui doit être finalisée d'ici la fin de la session le 17 mars - est de s'adapter au vieillissement de la population tout en maintenant le niveau des rentes. Tous les partis représentés au Parlement s'accordent sur cet objectif, mais c'est la manière d'atteindre le but qui diffère. Deux visions diamétralement opposées s'affrontent, l'une portée par le Conseil des Etats, l'autre par le National.

LA SOLUTION DU CONSEIL DES ÉTATS

Pour la Chambre des cantons, à côté de l'augmentation de la TVA pour financer l'AVS, il est inévitable de relever l'âge de la retraite des femmes à 65 ans et d'abaisser de 6,8% à 6% le taux de conversion du 2e pilier, soit le pourcentage qui détermine comment l'argent épargné dans la LPP est converti en rente. Sur ces points, les sénateurs s'accordent avec leurs collègues du National.

C'est sur la question de la contrepartie que les propositions divergent. Pour compenser la diminution des rentes du 2e pilier, une majorité composée de la gauche et du centre préconise d'agir sur le 1er pilier en accordant un bonus de 70 francs par mois à tous les nouveaux rentiers AVS, au grand dam de la minorité de droite PLR-UDC.

LA SOLUTION DU CONSEIL NATIONAL

Jugée trop chère et pas assez ciblée par la majorité de droite au Conseil national, la version proposée par les Etats a été clairement rejetée à la Chambre du peuple. Pour le camp bourgeois, la compensation de la baisse de rente qui découlera de la réduction du taux de conversion doit se faire au sein même du 2e pilier.

Opposés au coup de pouce dans l'AVS voulu par la gauche, le PLR, l'UDC et les Vert'libéraux ont misé jusqu'à présent sur une hausse des cotisations de prévoyance professionnelle, ainsi que sur une série de mesures techniques, en particulier pour les personnes travaillant à temps partiel et les travailleurs âgés.

La majorité de droite prônait par ailleurs la mise en place d'un mécanisme de relèvement automatique de l'âge de la retraite graduellement jusqu'à 67 ans en cas de déficit du fonds AVS. Cette mesure, qui a soulevé l'indignation de la gauche, serait toutefois soumise au peuple séparément si elle survit au processus parlementaire. Mais elle pourrait déjà être abandonnée par le Parlement, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national ayant entre temps proposé d'y renoncer.

LES ISSUES POSSIBLES AU PARLEMENT

Alors que les positions des deux camps sont irréconciliables, le vent semble désormais souffler en faveur des partisans du bonus, après le clair rejet dans les urnes de la troisième réforme de l'imposition des entreprises (RIE III), accusée de pénaliser la classe moyenne. Plusieurs prises de position publiques laissent en effet penser que les Vert'libéraux pourraient finalement voter en faveur du coup de pouce à l'AVS.

La volte-face des Vert'libéraux - qui comptent sept sièges au National - ne suffirait toutefois pas à renverser la majorité à la Chambre du peuple. Reste que d'autres élus de droite pourraient aussi s'écarter de la ligne de leur parti, en particulier les représentants des paysans - qui profiteraient davantage d'un supplément de rente AVS que d'un élargissement du 2e pilier.

Par ailleurs, si le National ne change pas d'avis et que le Conseil des Etats campe lui aussi sur ses positions, le dossier finira en conférence de conciliation. Et ce sont a priori les tenants du bonus qui détiennent la majorité au sein de cette instance.

LES MENACES DE RÉFÉRENDUM

Quelle que soit l'issue du processus législatif, il semble plus que probable qu'un référendum sera lancé contre la paquet Prévoyance vieillesse 2020. Alors que le syndicat Unia a déjà annoncé son intention de combattre devant le peuple la réforme si les mesures de "démantèlement" sont maintenues, la gauche de la gauche s'oppose à toutes les solutions, jugées trop peu généreuses.

Plus piquant: la droite et les milieux économiques, eux aussi, évoquent désormais ouvertement le référendum si le bonus de 70 francs passait la rampe, comme l'indiquait la conseillère nationale Isabelle Moret (PLR/VD) dans Le Matin Dimanche. On aurait alors droit à une alliance contre-nature entre l'extrême gauche et des élus libéraux-radicaux contre le projet.

Didier Kottelat

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