Le canton de Vaud a découvert jeudi que des patrons de petites sociétés en faillite ont mis au point un subterfuge pour piller la caisse de chômage avec la complicité de fonctionnaires syndicaux. Le trou serait de plusieurs millions de francs.
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Mais toute la Suisse pourrait être touchée par de tels cas. En effet, le canton de Zurich a tiré la sonnette d'alarme au niveau national il y a une année déjà.
Les responsables de police judiciaire de Suisse ont été informés en mars 2016 par leurs collègues zurichois de la découverte d'une véritable "industrie" de la faillite abusive. Les responsables zurichois ont en effet pincé des centaines de petits entrepreneurs et des dizaines de liquidateurs de société bidon. Ils estiment à 200 millions de francs par an les dégâts économiques pour leur seul canton.
Toute la Suisse concernée
La police zurichoise précise qu'elle n'est pas directement impliquée dans l'enquête en cours dans le canton de Vaud. Les échanges ont porté sur les schémas de fraude et les moyens de les détecter.
Pour Andrea Höhener, cheffe de la division criminalité économique de la police zurichoise, interrogée vendredi dans le Journal du matin, il s'agit d'un système criminel qui ne se concentre pas seulement sur le canton de Zurich mais qui touche toute la Suisse: "Nous collaborons avec tous les autres cantons, au niveau de la police, des procureurs mais aussi des registres du commerce et des autorités de poursuite et faillite. Ce n'est qu'ainsi que nous pouvons réussir à combattre ce système et l'éliminer".
Un forfait pour se débarrasser des dettes
La responsable zurichoise indique être aussi tombée comme dans le canton de Vaud sur des cas de contrats de travail fictifs pour toucher les subsides de la caisse de chômage prévus en cas d'insolvabilité d'une entreprise. Mais ce n'est pas l'essentiel des fraudes découvertes à Zurich.
Il s'agit en général de petits entrepreneurs des secteurs du bâtiment et de la restauration, endettés. Ils tombent entre les mains d'intermédiaires et de liquidateurs de société animés d'"énergie criminelle", comme le dit l'enquêtrice en chef Andrea Höhener. Et ce n'est pas gratuit: "Ils paient une commission entre 4000 et 6000 francs. Une partie va à l'intermédiaire et l'autre au liquidateur, en échange le fondateur de la société est débarrassé des dettes".
Les petits patrons payent donc un forfait pour se débarrasser de leurs dettes plutôt que de suivre la voie légale de la mise en faillite. Mais les liquidateurs ne s'arrêtent pas là. Organisés en réseau et très bien renseignés sur les lacunes de la loi, ils prolongent l'agonie des sociétés et ils se servent au passage.
"Nous constatons ensuite des agissements frauduleux, des smartphones ou des voitures en leasing sont commandés au nom de la société pour des usages privés et après quelques mois les liquidateurs laissent les sociétés tomber en faillite", a encore expliqué Andrea Höhener.
700 faillites suspectes
Au lieu de stopper l'endettement, les vrais faux liquidateurs en rajoutent. Les coûts économiques sont estimés à des centaines de millions de francs.
Face à l'ampleur du phénomène, tous les cantons ont été alertés. Pour l'heure, seule l'affaire vaudoise a éclaté au grand jour. Mais ce n'est peut-être qu'un début. Zurich a commencé par une affaire en 2015. Trois cents autres cas ont été élucidés depuis. Et il y a actuellement plus de 700 faillites suspectes sous enquête.
Ludovic Rocchi/lan