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Le CV parfait pour devenir conseiller fédéral

Prestation de serment du conseil fédéral en 1971
Portrait-robot du parfait candidat au Conseil fédéral / L'actu en vidéo / 4 min. / le 4 juillet 2017
Les Tessinois Ignazio Cassis et Laura Sadis, Isabelle Moret (VD) ou Pierre Maudet (GE) sont mentionnés comme papables pour succéder à Didier Burkhalter. Pourtant, aucun d’eux ne remplit les critères statistiques du parfait candidat au Conseil fédéral.

Si vous êtes un homme, alémanique, de 51 ans, et que vous êtes membre du Conseil des Etats, vous avez les meilleures chances d'accéder au Conseil fédéral. C'est en tous les cas ce que disent les statistiques. Du côté du Parti libéral-radical (PLR), c'est le Grison Martin Schmidt - alémanique, conseiller aux Etats et bientôt quinquagénaire - qui se rapproche le plus du "portrait-robot" des conseillers fédéraux élus depuis 1848.

Les femmes, absentes puis souvent sacrifiées

Six pourcents. Le ratio de femmes parmi les gouvernants dit tout de la difficulté pour une femme d'accéder au Conseil fédéral. La première à y parvenir fut Elisabeth Kopp, en 1984. Avant 1971 et le droit de vote des femmes, 13 ans plus tôt, les femmes n’étaient pas éligibles à la fonction de conseillère fédérale.

Il aura ainsi fallu près de 140 ans pour voir une femme atteindre le sommet de l'Etat. Et les difficultés ne s'arrêtent pas là. Sur les sept politiciennes qui y sont parvenues (contre 109 ministres et anciens ministres masculins), deux ont été poussées vers la sortie. Elisabeth Kopp suite à un scandale et Ruth Metzler parce qu'il fallait laisser la place à l'UDC, devenu le plus grand parti de Suisse.

Les représentantes socialistes ont connu un destin un peu plus clément. C'est, toutefois, aux forceps que la première d'entre elle, Ruth Dreifuss (GE), obtiendra un siège au gouvernement. Une manifestation populaire et un désistement de l'homme élu initialement - Francis Matthey (NE) - auront été nécessaires pour lui ouvrir la voie.

Dans le détail, le portrait des sept femmes qui ont siégé au Conseil fédéral:

La cinquantaine triomphante

Le plus jeune conseiller fédéral a été élu à 31 ans. Il s'agissait du Neuchâtelois Numa Droz, élu au gouvernement en 1876. Le conseiller fédéral le plus âgé au moment de son élection était le Genevois Gustave Ador, 71 ans. Il ne restera que deux ans et demi au gouvernement, le temps d'installer la Société des nations à Genève.

Plus globalement, l'âge à partir duquel les portes du Conseil fédéral s'ouvre a passablement fluctué sur les 170 dernières années. Depuis 2010, l'âge moyen des conseillers fédéraux au moment de leur élection se situe à 50 ans et 10 mois. Durant la décennie de 1850, c'était onze ans de moins, soit 39 ans et 10 mois.

Dans les années 1950, au contraire, l'âge de élus dépassait légèrement les 55 ans.

Quant au premier gouvernement, au moment de sa constitution en 1848, il affichait une moyenne d'un peu plus de 47 ans.

L'alchimie linguistique

Sur les 116 élus au Conseil fédéral, 73 étaient alémaniques, 35 romands, 7 italophones et 1 romanche. Les Tessinois estiment aujourd'hui que leur tour est à nouveau venu, car cela fera plus de 18 ans qu'ils n'ont pas eu de représentant au Conseil fédéral.

C'est leur plus longue période de disette depuis 1911, année de l'élection de Giuseppe Motta qui faisait suite à près de 50 ans sans italophone au gouvernement. Pour ce qui est des Romands, ils ont toujours été représentés, et même surreprésentés avec un ratio de 29% des élus, pour 20% de la population francophone.

Le Conseil des Etats comme tremplin

Enfin, la statistique sur la provenance politique des ministres ne plaide pas pour le Genevois Pierre Maudet, qui n'a jamais siégé à Berne, ni pour la Tessinoise Laura Sadis, même si elle a été conseillère nationale (2003-2007). En bref, plus on s'éloigne du Conseil des Etats, moins on a de chances de siéger au gouvernement fédéral.

Les conseillers aux Etats se soutiennent et se cooptent. Cette règle tacite est visible dans les statistiques: depuis 1848, 39 sénateurs ont été élus conseillers fédéraux. On compte 64 conseillers nationaux élus au Conseil fédéral. Rapportés au nombre de députés dans chaque chambre (respectivement 46 et 200), ces chiffres confirment qu'un politicien a deux fois plus de chances de devenir conseiller fédéral s'il émane du Conseil des Etats que du National. Précisément, 2,2% des députés et 4,5% des sénateurs ont accédé au gouvernement suisse.

Néanmoins, tout n'est pas perdu pour les autres: sur les 116 conseillers fédéraux, 13 ne venaient pas du Parlement. La conseillère d'Etat grisonne Evelyne Widmer Schlumpf, les Genevoises Micheline Calmy-Rey et Ruth Dreifuss, ainsi que l'Appenzelloise Ruth Metzler étaient toutes en fonction dans leur canton avant d'oeuvrer au gouvernement fédéral.

Certains d’entre eux – plus rares – n’émanaient d’aucun conseil. Un ambassadeur a été élu conseiller fédéral en 1917. Il s'agit de Robert Haab, qui avait tout de même été conseiller d'Etat zurichois entre 1908 et 1912 et patron des CFF par la suite. Elu en 1961, Hans Schaffner était lui un fonctionnaire de l'administration. Ce sont les uniques conseillers fédéraux que l'on peut considérer comme émanant de la société civile.

Muriel Ballaman/tyf

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