Alors que la police recherche toujours le ou les pyromanes qui ont bouté plusieurs fois le feu dans la Broye, Marc (prénom d'emprunt) a accepté d'évoquer son passé de pyromane "pour que les gens comprennent".
Le feu, c’est puissant
"Quand je suis sorti de prison, j’ai voulu me réinsérer, mais j’étais jugé par les gens encore une fois. Ils avaient peur ou éprouvaient de la haine. Ils me repoussaient sans chercher à comprendre."
"Le feu, c’est puissant, ça rayonne, ça amène de la chaleur. C’est comme une bougie, on se rapproche un peu du ciel. Pourquoi j’ai été pyromane ou pompier, je ne peux pas l’expliquer à 100%. Mettre le feu me procurait un sentiment de libération. C’était ma manière d’appeler à l’aide parce qu’on le voit de loin, le feu. J’essayais de dire aux gens: "je suis là, j’ai un problème". Mais je me rends compte aujourd’hui que ce n’était pas la bonne solution."
Il y avait deux personnes en moi : le diable et ma propre personne
"Il s’écoulait bien dix minutes avant que je ne passe à l’acte. Il y avait deux personnes en moi : le diable et ma propre personne. Une voix me disait: "tu fais quelque chose de pas bien", alors je repartais. Puis l’autre me disait: "mais non, vas-y, tu vas appeler au secours", alors je retournais sur les lieux. C’est la voix la plus forte qui l’emporte. "
"Pourquoi j'ai mis le feu dix fois et pas deux ou trois, je me le demande toujours. C'est un cercle vicieux. On commence une fois, et on le refait jusqu’au jour où le pot aux roses est découvert."
"Par la suite, avec l’aide des psys, j’ai vu que j'avais mis le feu à des lieux qui me rappelaient mon enfance, comme le collège. Je n’ai jamais voulu faire de mal aux gens, même si ça a failli arriver une ou deux fois. C’était toujours des hangars ou des lieux inhabités."
Mon problème, c’était la peur des autres
"Mon problème, c’était la peur des autres, la peur de décevoir et qu’on ne m’aime plus. Je ne pouvais pas concevoir qu’on me dise non. Malheureusement, j’ai subi un abus sexuel quand j’avais 7 ou 8 ans. Je ne l’avais dit à personne. Même ma mère ne le savait pas avant que j’aille en prison. C’est comme toute chose. On le garde, l’abcès grandit. Et plein de choses se sont accumulées."
"Au départ, j’ai nié. Mais les gendarmes m’ont mis la pression et à un moment, ils m’ont dit une chose qui m’a réveillé. L’abcès a pété. Et c’est là que j’ai été libéré. J’ai avoué et je n’ai plus eu besoin d’appeler à l’aide. Quand on vit ça, on est à nu. J’ai tout perdu : mon emploi, mes enfants, mes amis. C’est une renaissance, une deuxième vie."
Je me compare à un drogué ou à un alcoolique
"On peut ne plus être pyromane, mais il ne faut pas se voiler la face, le risque zéro n’existe pas. C’est un travail à faire pour le restant de ma vie. Je vois toujours un psychologue à mes frais. Je me compare à un drogué ou à un alcoolique. Il faut d’abord l’accepter. Ce n’est pas tous les jours le bonheur, mais j’ai pu me reconstruire."
François Ruchti/jc