"Nous avons des ambassadeurs suisses dans le monde, à qui on demande de n'avoir que la nationalité suisse. Je peux mal m'imaginer que leur chef puisse en avoir deux, ce ne serait pas cohérent", s'est justifié Ignazio Cassis, qui est pressenti pour reprendre le Département fédéral des affaires étrangères s'il est élu.
Le Tessinois s'est cependant fourvoyé dans son affirmation. Le Conseil fédéral a en effet décidé en décembre dernier la levée de l'interdiction de la double nationalité pour les diplomates suisses à l'étranger.
Cette disposition, jugée "obsolète" en raison du nombre important de Suisses possédant deux passeports, a été officiellement biffée de l'Ordonnance sur le personnel de la Confédération au début de cette année.
Ce changement ne change toutefois pas sa position sur la double nationalité, a expliqué Ignazio Cassis au 19h30.
Pierre Maudet visé
A moins d'un mois de l'élection du successeur de Didier Burkhalter au Conseil fédéral, la double nationalité des ministres fait débat. La décision d'Ignazio Cassis met en lumière une thématique qui expose désormais un autre candidat: Pierre Maudet.
Possédant les passeports français et suisse, le Genevois a déclaré qu'il mettrait la question à l'ordre du jour du Conseil fédéral s'il était élu. Il a également affirmé qu'il était prêt à rendre au moins temporairement son passeport français si le gouvernement le lui demandait.
La fronde contre les conseillers fédéraux binationaux n'en est pas moins lancée. Dimanche, le conseiller national UDC Marco Chiesa a annoncé sur les ondes de la RTS qu'il préparait une motion afin de leur interdire de posséder deux passeports.
"Le Conseil fédéral ne peut pas avoir de double nationalité car il y a des intérêts à protéger, on ne peut pas servir deux patrons, il ne faut pas y avoir d'ambiguïté", a précisé le député.
>> Lire : "Il faut interdire la double nationalité des conseillers fédéraux"
Près de 900'000 doubles nationaux
Si une telle motion était acceptée, ce sont 873'000 citoyens helvétiques de plus de 15 ans qui se verraient dans l'impossibilité de se présenter au Conseil fédéral, selon les derniers chiffres de l'Office fédéral de la statistique. Un chiffre qui correspond à 16,6% de cette tranche de la population.
Tous les cantons n'hébergent cependant pas le même taux de doubles nationaux. Ainsi, près de la moitié (44,5%) des Genevois seraient concernés par une telle interdiction contre seulement 3,8% des citoyens d'Appenzell Rhodes-Intérieures.
Kevin Gertsch
La débat sur la binationalité, "une remise en cause de notre loyauté"
La décision d'Ignazio Cassis de renoncer à son passeport italien a fait vivement réagir Mauro Poggia, conseiller d'Etat genevois et binational italo-suisse lui aussi. "Ce geste n'a aucun sens: rendre son passeport n'est pas renoncer à sa nationalité", a-t-il dit dans l'émission Forum lundi.
Au-delà de cette distinction, le ministre MCG souligne la portée symbolique de la décision: "Renier ses racines, c'est donner l'image de quelqu'un qui est prêt à n'importe quoi pour arriver là où il veut."
Regrettant la polémique qui enfle autour de la double nationalité des élus - "une remise en cause de notre loyauté" - le Genevois met en garde contre une dérive, celle de "faire des Suisses qui ne veulent pas renoncer à leur autre nationalité, des citoyens de seconde catégorie."