"Pour la Prévoyance 2020", "Contre la Prévoyance 2020": voici deux des termes de recherche achetés à Google par le comité "Alliance des générations" qui milite contre la réforme de la prévoyance vieillesse. En Suisse, pour cette campagne qui bat son plein, les partis politiques se sont offert des espaces publicitaires sur les panneaux d’affichage et dans les journaux, mais ils ont aussi placé leur argent dans des lieux meilleur marché et extrêmement fréquentés: Google et Facebook.
Un contexte favorable en Suisse
Google Adwords, la régie publicitaire du moteur de recherche, séduit de plus en plus le cénacle politique suisse. Dans le monde anglo-saxon, cela fait 10 ans qu’il absorbe une bonne part des budgets de campagne des partis et des hommes politiques.
La Suisse est plus conservatrice que les anglo-saxons, mais le nombre de votations se prête particulièrement bien à ce genre de campagnes. Selon les acteurs interrogés par la RTS, des dizaines de milliers de francs sont déjà investis lors des campagnes de votation dans l’achat de publicité sur Facebook ou Google AdWords. "Google AdWords présente l'avantage de pouvoir toucher les gens au moment où ils se renseignent sur un sujet, explique Patrick Chareyre, spécialiste en marketing digital. Quant à Facebook, il permet de mieux cibler le public car le réseau social sait tout de vous."
Fin août par exemple, les termes de recherche "votation avs", "prévoyance vieillesse", "réforme avs" "sécurité alimentaire", "votation sécurité alimentaire" avaient tous été achetés par des comité de campagne, de même que leurs équivalents en allemand. Le terme "abstimmung" (votation) avait été acquis par les partisans de la stratégie énergétique 2050 lors de la campagne de mai dernier et par les opposants à la RIE3 en février.
La mention "Annonce" échappe aux utilisateurs
"Nous concevons souvent les sites pour les besoins d’une campagne, explique Laura Curau, responsable des campagnes du PDC. Et ce n’est pas facile de les faire apparaître dans la première page de recherche de Google. Google AdWords est très utile pour cela, ainsi que pour positionner le parti sur certains thèmes."
Problématique l’usage de Google Adwords? Les positions de recherche achetées via le programme sont toujours accompagnées de la mention "Annonce". "Mais des études montrent que 40% des utilisateurs ne voient pas ces signalisations publicitaires", explique le spécialiste des technologies numériques Stéphane Koch.
"Nous utilisons Google AdWords toute l'année"
L’agence de communication Enigma a utilisé pour la première fois Google AdWords fin 2008 pour l’élection des PLR pour le Grand Conseil et le Conseil d’Etat genevois. Depuis, le programme est de toutes les votations. "Les campagnes d’affichage et dans la presse sont coûteuses, alors on les utilise uniquement avant les échéances électorales, mais nous utilisons Google AdWords toute l’année", explique Olivier Kennedy, patron de l’agence Enigma.
Car l’outil permet à des groupes de pression de réagir très rapidement et à peu de frais en se profilant sur des sujets d’actualité. "En fonction du budget, nous adaptons la campagne tous les jours, voir deux fois par jour, poursuit Olivier Kennedy. Nous lançons plusieurs campagnes différentes et nous concentrons ensuite nos moyens sur celles qui sont le plus consommées."
Les mots-clés politiques sont bon marché
Le prix d’un Google AdWords est en fonction du nombre de clics sur une annonce. Chaque terme de recherche est vendu aux enchères en ligne. Le prix peut aller de 7 centimes à 50 francs. "Les mots-clés sont bien plus chers s’ils sont utilisés aussi pour des usages commerciaux comme ça a été le cas pour "énergie" ou si l’autre camp les achète aussi. Sinon, les mots spécifiques au domaine politique sont assez bon marché", confie Laura Curau.
Olivier Kennedy recommande aux hommes ou aux mouvements politiques de consacrer de 20 à 40% de leur budget au marketing numérique dont Facebook et Google AdWords. Ils n’y consentent pas toujours. Une campagne au niveau fédéral coûte entre 250 000 francs et trois millions. Mais Google et Facebook prennent une importance croissante et ce sera de plus en plus chez les géants de la Silicon Valley que les partis iront chercher leurs électeurs.
Julie Conti
Une utilisation inégale selon les partis
Au niveau fédéral, les partis n'utilisent pas tous le marketing digital de la même façon. Porte-parole de l’UDC, Silvia Bär confirme que son parti utilise Google AdWords tout au long de l’année, lors de campagnes de votations et d'élections, ainsi que pour gérer l'image du parti. "C’est un outil assez important, mais pas forcément décisif", dit Silvia Bär. Si elle ne veut pas donner de chiffre exact, elle explique que cela ne représente qu'une petite partie des budgets.
Les socialistes n’ont utilisé cet outil que ponctuellement "dans les grosses campagnes de votation comme par exemple la caisse publique", dit leur porte-parole Gaël Bourgeois. Cela n’a jamais été fait pour des élections, mais le parti ne l’exclut pas dans l’avenir. L’investissement y est alors relativement faible, comparé aux coûts de telles campagnes. Le PS parle de somme à 4 chiffres "relativement proche du millier de francs".
Le porte-parole romand du PLR Arnaud Bonvin explique que le parti a utilisé Googe AdWords lors des élections fédérales et dans certaines campagnes comme la caisse unique. En 2015, le parti avait acheté les mots qui définissent ses valeurs comme liberté, cohésion ou innovation, de même que le terme "élections fédérales" dans les trois langues.
Les PDC ont acquis des Google AdWords pour positionner le parti sur des thèmes qui lui sont chers comme la famille ou la sécurité sociale lors des élections fédérales de 2015. Ils s’en sont également servis lors des campagnes sur la stratégie énergétique en 2017 et celle sur l'égalité fiscale des couples mariés en 2016. "Nous l’avons aussi utilisé pour promouvoir notre nouveau site quand il venait de sortir", dit la chef de campagne du parti Laura Curau.