Le rejet dimanche du projet de réforme du premier et du deuxième pilier de la prévoyance vieillesse par 52,7% des Suisses "touche à la débâcle".
Ce troisième échec en vingt ans d'une réforme des retraites devant le peuple pousse L'Express et L'Impartial à se demander si "la démocratie suisse est capable de mener à bien l'assainissement de la principale assurance sociale du pays".
Pour Le Quotidien Jurassien, le compromis du conseiller fédéral Alain Berset, en charge du Département de l'Intérieur, a été coulé par des "vents contraires (...) soufflés par la droite et une frange du patronat ainsi que la gauche revendicatrice. Contradictoires, les arguments de ces alliés improbables ont été entendus (...) L'émotion a triomphé sur la raison".
Un bazar
"Chacun a pensé à lui", en votant sur la prévoyance vieillesse 2020, remarque Le Nouvelliste. "Chacun y a cherché son avantage parce que la réforme était présentée comme un bazar dans lequel, en fouillant bien, tout le monde dénicherait la bonne affaire". Or, à ce jeu-là, chacun a remarqué que "les 45-65 ans ne participaient pas comme les autres à l'effort de guerre, alors que ce sont eux qui ont les moyens", relève le journal valaisan.
Mais "que veut le peuple?", s'interroge pour sa part Le Temps. "Le 'non' des Genevois n'est pas le même que le 'non' des Uranais", remarque le quotidien lémanique. Le résultat ne va en tout cas pas aider Alain Berset qui doit remettre l'ouvrage sur le métier. "Le besoin de réforme est incontesté. Simple question de vie ou de mort du système des retraites, écrit La Tribune de Genève. Mais "est-il réformable avant implosion?", ajoute-t-elle. Car "le temps presse", remarque Le Temps. "Les comptes de l'AVS sont à l'orange" et "le deuxième pilier ne va pas mieux".
Sérieux durcissement en vue
Pour l'avenir, à l'image de La Liberté, de nombreux commentateurs estiment que "réformer de front les premier et deuxième piliers s’avère illusoire". Si "la retraite à 65 ans pour les femmes ne se fera vraisemblablement pas sans compensation", "le peuple semble (...) ouvert à affecter un peu de TVA supplémentaire au financement de l'AVS", note le quotidien fribourgeois.
Allant plus loin, le Journal du Jura juge, "au vu de la composition des chambres fédérales", que l'on peut s'attendre à "un sérieux durcissement par rapport au compromis qui était proposé". Pointant une élévation progressive et automatique de l'âge de la retraite à 67 ans comme "une probabilité", la retraite flexible "jetée par-dessus bord" et une baisse du taux de conversion du deuxième pilier, le journal voit une prochaine réforme, "qui promet d'être bien plus douloureuse".
Pour Le Courrier, le nouveau projet devra être appréhendé en matière de répartition des richesses produites. "Depuis la fin des trente glorieuses, une part croissante des richesses produites va au capital et non plus aux revenus du travail. Si cette question n'est pas posée, on passe à côté de la solution", écrit le commentateur.
ats/vkiss
"Trop compliqué" selon la Suisse alémanique
"Trop compliqué", "surchargé", "avec des impacts difficilement estimables" et "surtout un grand nombre de défauts": la Neue Zuercher Zeitung n'a pas de mots assez durs pour qualifier le projet de réforme qui "cumulait ainsi les motifs de rejet".
Même si une multitude d'acteurs ont milité pour le rejet du projet, la responsabilité de l'échec revient avant tout au PLR, qui a mené la contre-campagne, accusent le Tages-Anzeiger et le Bund. "Ceux, à droite et dans les milieux économiques, qui espèrent que le peuple acceptera sous la pression d'une crise financière de l'AVS d'élever l'âge de la retraite à 67 ans, font un calcul cynique et dangereux".
La Luzerner Zeitung et le St. Galler Tagblatt appellent le PDC "à réviser ses idées" pour "débloquer le dossier rapidement". "Le parti du centre s'est, sous la direction de son président Gerhard Pfister, mis à la traîne de la gauche sans nécessité et a imposé un projet qui n'était à l'évidence pas un compromis solide".
Le Blick voit dans le "non" des citoyens une défaite personnelle pour Alain Berset, qui le fragilise. Le ministre socialiste "a tout mis sur la table et a appâté le Parlement avec ruse et tactique, sans tenir compte des partis de droite et des associations économiques", note le journal populaire.
Lui emboîtant le pas, la Basler Zeitung affirme que "c'est une défaite qu'Alain Berset a méritée. Jamais un conseiller fédéral n'a été aussi offensif, pour ne pas dire envahissant".