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Les lobbyistes au front pour vendre un nouvel avion de combat à la Suisse

Achat d’un nouvel avion militaire: les lobbyistes déjà au combat
Achat d’un nouvel avion militaire: les lobbyistes déjà au combat / 19h30 / 4 min. / le 1 octobre 2017
La bataille pour le marché du futur avion de chasse de l'armée suisse a déjà commencé, même si la décision formelle de remplacer la flotte des F/A-18 et des vieux Tiger n'est pas encore prise. Les constructeurs ont commencé leur lobbyisme.

Le meeting aérien du Breitling Sion Airshow (15-17 septembre) a ainsi été le théâtre d'une bataille entre constructeurs d'avions de combat pour un enjeu à plusieurs milliards. Et ce même si le peuple ne sera pas fixé sur le modèle choisi avant 2022.

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Gagner le coeur des Suisses

Airbus était omniprésent avec son Eurofighter. "Pour les besoins suisses, notamment en ce qui concerne la surveillance des airs, je trouve que ce serait vraiment bien que l’Eurofighter soit sélectionné. Mais ce n’est pas nous, c’est l’armée suisse qui décide. Mais le public aussi est important, comme on l'a vu lors de la dernière campagne" sur le Gripen il y a 3 ans, explique Alexandre Vinh, chef de la campagne Eurofighter en Suisse.

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Et convaincre les politiciens

La bataille se joue surtout à Berne, à quelques pas du Palais fédéral, où les avionneurs ont tous un bureau ou une agence de relations publiques pour les représenter. Cible de ces lobbyistes, les parlementaires, qui devront tôt ou tard valider, ou non, ce renouvellement.

Hugues Hiltpold (PLR/GE) admet avoir déjà été approché par les constructeurs : "le premier c’était Saab pour le Gripen". Mais pour le Rafale, "c'est le consulat français qui a souhaité me rencontrer".  Les sommes en jeu "aiguisent les appétits, c'est inévitable", résume le conseiller national genevois.

Opposée à l’achat d'avions de combat, Lisa Mazzone (Verts/GE) critique des "lobbies qui essaient de créer cette envie d’acheter un avion". Thomas Hurter (UDC/SH), pilote lui-même, relativise la portée du lobbyisme, car "ce n’est pas l’invitation à un événement ou à un repas qui va nous faire changer notre opinion, ce serait trop facile". Il poursuit: "c’est pour ça que je dis que cette influence n’est pas nécessaire et ça ne sert à rien, honnêtement".

Cecilia Mendoza, Dimitri Zufferey

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Les entreprises suisses lorgnent sur les contreparties industrielles

Le lobbyisme n’est pas le propre des avionneurs. En coulisses, Philippe Zahno, secrétaire général du GRPM (Groupe romand pour le matériel de défense et de sécurité), fait aussi pression pour l’achat de nouveaux avions, pour pouvoir ensuite négocier des contreparties industrielles – ou accords compensatoires – liées au contrat de l’avionneur sélectionné.

Le principe est le suivant : si la Suisse achète une flotte, le constructeur ou son pays devra en échange passer des commandes en Suisse pour le même montant, dont un tiers reviendrait à des entreprises sises de ce côté-ci de la Sarine.

"Pour les entreprises romandes, l’acquisition du nouvel avion de chasse et du nouveau système de défense aérien, tout cela va générer un chiffre d’affaires d’environ trois milliards de francs, c'est gigantesque", estime Philippe Zahno.

A l’occasion du Sion Airshow, il a organisé une rencontre entre les avionneurs et les entreprises de son association (150 ont pu parler avec les avionneurs).

Philippe Zahno assume totalement son travail de lobbyisme: "pourquoi l’économie suisse soutiendrait l’armée comme elle l’a toujours fait, s’il n'y avait plus d’affaires compensatoires ? c’est une question à se poser", résume-t-il.

Prochaine échéance, la définition de la mission de l’armée par le Conseil fédéral, puis évaluation des avions en lice, en tenant compte de leurs capacités, de leur prix et des contreparties industrielles proposées par les constructeurs. La Suisse attendra au bas mot une dizaine d’années avant de voir livrer ses futurs avions.

Il y a trois ans, c’est Saab, le constructeur suédois du Gripen, qui a échoué. Son avion avait pourtant été choisi par la Confédération, mais refusé par le peuple. Rustan Nicander, responsable des unités Suisse et sud de l’Europe chez Saab, indique qu'"il appartient au peuple suisse de déterminer comment ses impôts doivent être dépensés", mais estime "avoir de meilleures chances aujourd'hui de prouver à nouveau au peuple suisse que nous avons le bon produit".