"Je voyais les autres enfants, ils étaient tous bien dans leur corps, avec les habits qui leur convenaient. Moi, quand je devais mettre des habits de fille, cela ne me convenait pas", confie Noé, 15 ans, dans l'émission Mise au point dimanche. Hormis ses proches et son école, personne ne sait autour de lui qu'il n'est pas un garçon comme les autres. Comme environ 1% de la population, Noé est transgenre. Né physiquement fille, il s'est toujours ressenti garçon.
L'école a été compréhensive. Ils ont tout fait pour me compter comme j'avais envie qu'ils me comptent
Malgré sa différence, il s'est toujours senti soutenu par sa famille comme par ses camarades, qui le considèrent comme un garçon. "Je n'ai jamais été rejeté pour ce que j'étais. L'école a été compréhensive. Ils ont tout fait pour me compter comme j'avais envie qu'ils me comptent", explique celui qui est scolarisé dans le canton de Vaud.
Un canton qui, depuis plusieurs années déjà, favorise les transitions en milieu scolaire. Sans fracas, les situations sont traitées individuellement. Le service de santé et de prévention scolaire s'est ainsi occupé d'une dizaine d'enfants au cours des dernières années.
Guide des bonnes pratiques
Pour gérer au mieux ces cas, les cantons de Vaud et de Genève se sont adjoints des services de la Fondation Agnodice, qui assiste les jeunes transgenres. Cet accompagnement permet d'aplanir de nombreux problèmes liés à la transition, notamment le harcèlement scolaire.
Psychologue pour la Fondation Agnodice, Adèle Zufferey a mis en place un guide des bonnes pratiques destiné aux établissements scolaires de Suisse romande: "J'ai inséré des termes pour les personnes qui ne sont pas à l’aise avec le vocabulaire". Elle y aborde notamment les risques de suicide, de harcèlement ou de dépression afin que "le personnel scolaire puisse se rendre compte de la réalité trans".
Un suivi bénéfique
Dans le cas de Noé, cet accompagnement en milieu scolaire a été bénéfique. "Ils ont été très ouverts, ils avaient visiblement déjà un peu d'expérience à ce niveau-là. Leur intérêt, c'était que mon fils se sente bien", raconte son père.
Voir des jeunes qui viennent dans leur genre désiré, c'est très beau à voir
Responsable du Service vaudois de santé et de prévention scolaire, le Dr. Olivier Duperrex explique ainsi que les enfants vont par exemple pouvoir choisir leur prénom d'usage au quotidien, utilisé y compris dans les bulletins scolaires: "On va pouvoir expliciter ça aux enseignants, toujours en présence du jeune, de ses parents, et de la personne d’Agnodice qui va répondre à une partie du questionnement que vont avoir les adultes".
Adèle Zufferey est catégorique, "on peut vivre heureux transgenre". Pour la psychologue, "voir des jeunes qui viennent dans leur genre désiré, c'est très beau à voir. C'est un message d'espoir que je veux porter".
Catherine Sommer/kg
Changement de genre, une démarche accompagnée
Le service de pédiatrie des Hôpitaux de Genève (HUG) et la Division interdisciplinaire de santé de adolescents (DISA) du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) ont créé une consultation multidisciplinaire destinée aux enfants transgenres ou en questionnement.
Dans cette consultation, les jeunes patients ont désormais la possibilité de bloquer leur puberté dès l'apparition des premiers signes, entre 11 et 15 ans, afin de se laisser du temps. Ils peuvent également entamer les hormones du genre désiré dès 16 ans. Pédiatres, pédopsychiatres, endocrinologues travaillent ensemble pour suivre les familles.
En milieu scolaire, les cantons de Genève et Vaud se sont engagés à accompagner au mieux les élèves désirant changer de genre. Le guide des bonnes pratiques, conçu par la Fondation Agnodice, est distribué à l'heure actuelle dans la totalité des écoles genevoises et vaudoises. Sa diffusion n'est par contre pas institutionnalisée au sein des autres cantons romands.
Quels sont les effets concrets des mesures prises dans les cantons de Genève et Vaud? "Concrètement, l'élève n'a pas à produire d'attestation médicale ni à changer de nom à l'état civil pour que son prénom d'usage soit changé dans les carnets scolaires", explique Adèle Zufferey. "D'autre part, l'école met en place des solutions pour des considérations plus pragmatiques, comme l'utilisation des toilettes ou des vestiaires lors des cours d'éducation physique. Le but est d'éviter la stigmatisation", explique encore la psychologue.