Une coutume du système politique suisse est aujourd'hui sérieusement remise en question: les juges fédéraux reversent un pourcentage de leur salaire au parti politique dont ils sont membres ou proches. Or, cette rétrocession dérange vivement le Groupe d’Etats contre la corruption du Conseil de l'Europe (GRECO). Les critiques de cette instance suscitent actuellement un vif débat au sein même de la profession, mais laisse la plupart des partis indifférents.
Cette rétrocession représente en effet une manne financière considérable pour les partis politiques. Seuls Les Verts et le Parti socialiste ont accepté d'ouvrir leurs comptes à la RTS: en 2016, les 12 juges membres ou sympathisants des Verts ont versé au parti quelques 124'000 francs en tout. Au PS, ce sont environ 200'000 francs reçus de 38 magistrats fédéraux.
Condition pour être élu
Le PDC de son côté reçoit un montant qui varie entre 2000 et 6000 francs par juge. L'UDC, elle, perçoit 2% du salaire de ses 38 magistrats. Ces deux partis ont en revanche refusé de révéler la somme totale encaissée. De son côté, le PLR ne livre aucun chiffre.
Le Parlement, qui élit les juges fédéraux, veut garantir un certain équilibre politique au sein des juridictions. Pour être élu, un juge fédéral doit ainsi appartenir à un parti. Une fois élu ou au plus tard six ans plus tard pour sa réélection, ce magistrat reste en quelques sorte redevable à sa formation politique et lui paiera donc, année après année, cette rétrocession. Ce sont ces liens persistants entre les juges et leur parti qui font l'objet des critiques du GRECO.
Les juges partagés
Ces critiques font des vagues également au sein de la profession. Même si le sujet reste tabou, certains juges estiment ne rien avoir à se reprocher et versent, en toute probité, cette rétrocession.
D'autres, en revanche, avouent un malaise devant l'influence que peut exercer le parti dans leur carrière. Ces juges voudraient faire évoluer la situation, une volonté partagée par l'Association suisse des magistrats.
Selon les informations de la RTS, seuls les Verts sont toutefois prêts à évoquer une réforme au Parlement. Tous les autres partis militent pour le statu quo.
Marc Menichini/kkub