Le Conseil national a balayé mardi plusieurs propositions de modifications du droit parlementaire allant dans le sens d'une meilleure transparence au Parlement.
L'une des initiatives voulait s'assurer que chaque élu déclare le nom de son employeur et les fonctions qu'il exerce pour son compte.
A l'heure actuelle, ce n'est pas le cas. Les élus sont tenus de déclarer en début de législature leurs liens d'intérêt -c'est à dire les mandats qu'ils occupent dans diverses organisations parallèlement à leur activité politique- dans un registre public (pour le National et les Etats), et d'actualiser leur déclaration chaque année ou en cas de modification majeure.
Toutefois la loi sur le Parlement reste vague sur les indications à fournir concernant les activités professionnelles.
"Lorsqu'un député est, par exemple, directeur d'une caisse-maladie ou d'une société d'assurance importante, chef d'une grande banque ou encore administrateur dans une entreprise d'une certaine taille, il lui suffit d'indiquer qu'il est directeur ou administrateur. Or il peut être d'un grand intérêt pour les citoyens de savoir par qui leurs élus sont rémunérés", précise l'intitulé de l'initiative rejetée mardi.
Pas d'information sur la rémunération
Et le système actuel comporte d'autres lacunes, selon l'ONG Transparency International, qui milite pour davantage de transparence dans la vie politique.
Il n'existe aucun dispositif permettant de vérifier si les informations que fournissent les élus au "registre des intérêts" sont véridiques et complètes, et aucune sanction n'est prévue si ce n'est pas le cas, souligne Eric Martin, président de la branche helvétique de l'organisation.
Par ailleurs, ce registre mélange, pêle-mêle, intérêts publics et privés, mandats rétribués et gracieux, dans des structures aussi diverses que des associations, des fondations ou les conseils d'administration de grandes entreprises. Aucun détail n'est fourni en ce qui concerne la rémunération de ces activités extra-parlementaires.
Une autre initiative rejetée mardi voulait précisément progresser sur ce point, en exigeant que les mandats bénévoles soient au moins distingués clairement de ceux qui sont rémunérés, à défaut de rendre publics les montants des rétributions.
"Evaluer l'intégrité de nos élus"
Pour Eric Martin, il en va du "bon fonctionnement de notre démocratie": "Améliorer la transparence n'est pas un but en soi, c'est un moyen d'évaluer l'intégrité de nos élus".
Selon le spécialiste, la Suisse a encore des progrès à faire en la matière: "il y a déjà eu plusieurs initiatives sur ce sujet (voir encadré) et elles ont toutes été rejetées. Bien que la transparence soit au goût du jour, que ce soit en matière fiscale ou en matière bancaire, on reste plutôt cachottier en Suisse."
Pauline Turuban
RTS La Première - 12 décembre - Journal horaire de 18h
De nombreuses initiatives sur ce sujet ont été classées
La question d'une amélioration de la transparence des déclarations d'intérêts des parlementaires ne date pas d'hier. Quelques exemples d'initiatives parlementaires et de motions déposées ces dernières années (toutes ont été rejetées):
- En 2006, une initiative parlementaire réclame que les mandats rapportant plus de 10'000 francs bruts par année soient déclarés comme tels.
- En 2007, une initiative parlementaire demande que les députés rendent public le montant des gains annuels que représentent leurs liens d'intérêts.
- En 2009, une initiative parlementaire demande que "le Bureau de chaque conseil évite (...), dans les commissions, une présence trop importante de députés ayant un même lien d'intérêt en relation avec les attributions spécifiques des commissions où ils siègent".
- En 2012, une initiative demande que les députés précisent si leurs mandats sont rémunérés ou bénévoles.
- En 2015, une initiative parlementaire réclame qu'outre les mandats extra-parlementaires, les revenus tirés de l'activité professionnelle soient déclarés.
Une meilleure transparence également réclamée en ce qui concerne les lobbyistes
Actuellement les parlementaires ont le droit d'accorder l'accès aux zones non publiques du Parlement à deux personnes, qui peuvent être des lobbyistes. La règle prévoit que les élus doivent donner le nom et la fonction des personnes à qui ils octroient des badges d'accréditation, et ces informations figurent également dans un registre public, le registre des accrédités.
Toutefois la fonction n'y est souvent indiquée que de manière générique (avec des termes tels qu'"invité" ou "collaborateur personnel"). Par ailleurs, les personnes associées ou employées d'une entreprise d'"affaires publiques" n'indiquent que le nom de celle-ci, sans précisions sur l'identité des mandants. Là aussi, plusieurs motions et initiatives ont demandé par le passé l'amélioration du système existant, sans succès.
"Le lobbying peut aussi se faire en dehors du Parlement, en privé, directement dans le bureau des lobbyistes", ajoute Eric Martin de Transparency International. L'ONG jugerait ainsi préférable qu'existe un registre public de tous les lobbyistes ayant des contacts avec les élus, qu'ils soient accrédités au Parlement ou non.