En France, après un maximum de 12 jours d'internement, les patients psychiatriques hospitalisés de force sont entendus par des juges, qui décident du bien-fondé ou de ces internements ordonnées par le milieu médical. En Suisse, les délais et procédures judiciaires varient d’un canton à l’autre.
Dans son dernier film "12 jours", actuellement sur les écrans romands, le photographe et réalisateur Raymond Depardon donne la parole à ces patients hospitalisés de force. Si la question est brûlante en France, elle l'est aussi en Suisse.
En hausse de 30%
Depuis quelques années, ce type de mesures n'a cessé d'augmenter. Selon les chiffres publiés par l'Observatoire suisse de la santé, les internements forcés - appelés "cas de placements à des fins d'assistance" - ont augmenté de près de 30% entre 2014 et 2015. Et cette tendance se poursuit, selon les premières estimations.
La tendance a été amorcée en 2013, date de la modification du Code civil, qui a élargi les conditions d'internement dans les établissements psychiatriques.
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Quel risque est acceptable?
Elle est aujourd'hui source de préoccupation tant pour le milieu médical que pour les autorités. Les organisations de défense des patients dénoncent des abus et demandent des ajustements.
La question de l'internement forcé, idéologique voire philosophique, pose en effet le problème du risque acceptable dans nos sociétés, risques que représentent des personnes malades psychiquement pour elles-mêmes ou pour leur entourage.
Favoriser l'entrée en soins
"Il s'agit de mener une réflexion autour de la place de la psychiatrie dans nos sociétés", explique Alessandra Canuto, directrice médicale de la Fondation de Nant, responsable des soins en psychiatrie pour l'Est vaudois.
"Réduire le nombre de placements veut dire aussi accepter un niveau d'insécurité plus grand ailleurs, et avoir des villes peuplées par des patients qui n'ont pas de place à l'hôpital et qui ne sont pas accueillis dans des structures ad hoc. L'idée n'est pas de travailler sur la psychiatrie comme subsidiaire de la mesure sécuritaire, mais de favoriser l'entrée en soins", précise la responsable.
Mais l'augmentation des prises en charge représente également un progrès pour les patients, de même que pour les familles qui ont longtemps pris seules en charge ces risques. Depuis la modification du code civil, le tabou est tombé, l'entourage est mieux protégé et plus facilement soulagé.
Un jour peut-être, on verra mon film et on se dira: 'C'était le Moyen Age'
Il n'empêche, la privation de liberté pose la question des droits civiques accordés aux patients. Interrogé sur son film, Raymond Depardon parle d'un acte citoyen.
"Les gens ne veulent pas se faire soigner, il faut donc prendre des mesures de force. Mais il peut y avoir des abus", explique-t-il, en évoquant des alternatives à ces internements forcés, par exemple le développement de centres ou d'hôpitaux de jour.
"On revient de loin, de très loin. Et peut-être qu'un jour, on verra ce film et on se dira: 'C'était le Moyen Age'", avance le cinéaste.
Sophie Iselin/kkub