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Revaloriser les soldats sur le marché du travail, le voeu du chef de l'armée

L'interview intégrale de Philippe Rebord
L'interview intégrale de Philippe Rebord / L'actu en vidéo / 23 min. / le 15 décembre 2017
Les compétences acquises pendant le service militaire doivent être revalorisées sur le marché du travail, estime le chef de l'armée Philippe Rebord, afin de ne pas "pénaliser" les recrues, et pour rendre l'armée plus attractive.

Pendant longtemps, avoir fait son armée, et encore mieux, y grader, était une condition sine qua non pour trouver un emploi et faire carrière en Suisse.

"Avant, vous faisiez votre service automatiquement jusqu'à 50 ans: l'intégration de l'armée dans la société était donc beaucoup plus grande", explique Philippe Rebord, chef de l’armée suisse, dans l'émission Forum de la RTS vendredi.

Service raccourci

"Aujourd'hui, avec le raccourcissement de la durée de service, on n'a plus ces atouts-là. Il n'y a plus beaucoup de plus-value pour un soldat à son retour à la vie civile", déplore-t-il.

"Certains en viennent même à renoncer à mentionner leur situation militaire dans le curriculum vitae", renchérit le député PLR genevois Murat Julian Alder, lui-même major d'état-major général.

La pénalité s’applique aussi aux officiers. Bien que raccourcie, la durée de service reste trop longue aux yeux de certaines entreprises qui ne voient plus le bénéfice direct qu’elles peuvent tirer de leurs employés militaires, comme le confirme Blaise Matthey, à la tête de la Fédération des entreprises romandes.

Problème de recrutement

La conséquence directe est une baisse de l’attractivité de l’armée, qui peine à recruter et conserver les 100'000 hommes dont elle a besoin, face à la concurrence du service civil.

"Notre problème majeur est que 41% des personnes qui s'annoncent au service civil quittent l'armée après avoir fait l'école de recrues. Ce sont des gens qu'on a formés, instruits, qui sont devenus spécialistes dans des domaines spécifiques, et c'est extrêmement difficile pour nous de les remplacer", affirme Philippe Rebord.

Le chef de l’armée tempère cependant en ce qui concerne le recrutement des cadres. "Nous avons toujours 5% des recrues qui deviennent officiers."

Certificat de formation détaillée

Pour son chef, mieux vendre l’armée passera d’abord par une revalorisation des compétences acquises - et pas uniquement dans le domaine de la cybersécurité où elles sont très recherchées.

Dès 2018, tous les cadres recevront un certificat de formation détaillé. "La formation militaire ressemble en bien des aspects à de mini-MBA (maîtrise en administration des affaires, ndlr)", soutient Blaise Matthey.

"Après l'affaire Falciani, les sociétés devraient aussi voir l'intérêt d'engager des personnes qui ont prêté serment à la Confédération," estime de son côté Murat Julian Alder.

Reconnaissance par les universités

Le soldat devrait lui aussi pouvoir traduire ses semaines d'armée en crédits universitaires - environ 6 points ECTS (système européen de transfert et d’accumulation de crédits, ndlr), selon Philippe Rebord, soit l'équivalent de 180 heures d'études. "L'Université considère que l'expérience acquise à l'armée est une expérience qui élargit votre horizon."

Laetitia Guinand/kkub

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Pour un service militaire obligatoire pour les femmes

Philippe Rebord se dit en faveur du service obligatoire pour les femmes également, même s’il précise bien qu’il s’agit d’une décision politique. "Je trouverais cette décision politique opportune."

Le Conseil fédéral vient d’ailleurs de demander qu’on étudie plus avant le modèle norvégien - depuis août 2016, la Norvège a étendu son service militaire obligatoire aux jeunes femmes. "Mais ça implique une modification de la Constitution. C’est un processus qui va durer au moins dix ans", précise-t-il.

L’un des avantages, pour le chef de l’armée, serait de pouvoir choisir "les meilleures volontaires".

Jeux olympiques Sion 2026: coût stable pour l'armée

Le Valaisan Philippe Rebord se dit très convaincu par le projet de Jeux olympiques Sion 2026. Pour lui, le Valais, mais aussi la Suisse, "a besoin de mener un grand projet".

Comment expliquer alors les résistances aujourd’hui en Valais même face à la possibilité d’organiser des Jeux d’hiver? "La génération de mes grands-parents, des paysans de montagne qui vivaient avec des moyens financiers précaires, étaient des gens qui n’avaient pas peur d’oser. Et peut-être qu’au XXIe siècle, on démarre dans le millénaire en étant un peu trop frileux."

Pas de honte à faire appel aux armées voisines

Quant au coût pour l’armée suisse, il s’agit d’un débat théorique et virtuel, pour le chef de l’armée suisse. "Pour l’instant, on parle d’un engagement de 5000 hommes." Mais que les soldats fassent leur service militaire à Sion 2026 ou durant un autre mois dans l’année, "en fait le coût global pour l’armée reste stable", affirme le responsable.

Pour Philippe Rebord, il n’est pas non plus scandaleux d’imaginer faire appel aux armées voisines pour servir d’appoint. "D’ailleurs, quand on fait la Patrouille des glaciers, il y a d’autres experts d’armées étrangères qui sont mobilisés."