"Il y a un consensus en Suisse pour dire qu'aucune femme ne devrait porter la burqa. Beaucoup de gens sont irrités par ce phénomène et trouvent cela inacceptable", a lancé en préambule la ministre de la justice Simonetta Sommaruga devant les médias à Berne.
Il n'existe aucun chiffre fiable sur le nombre de femmes concernées en Suisse, a reconnu la conseillère fédérale, soulignant que les femmes concernées sont dans leur grande majorité des touristes venues du monde arabe.
Situation différente selon les cantons
Il ne revient pas aux autorités fédérales de dire aux femmes comment elles doivent se vêtir dans la Constitution et, surtout, la problématique est très différente d'un canton à l'autre, a poursuivi Simonetta Sommaruga. C'est aux cantons de décider s'ils souhaitent ou non prononcer d'éventuelles interdictions, estime le Conseil fédéral.
Le Tessin et le Parlement saint-gallois ont d'ailleurs adopté une telle interdiction, tandis que plusieurs cantons l'ont refusée.
Aucune femme ne devrait être contrainte
Ceci dit, il y a matière à agir lorsqu'une femme est contrainte de se dissimuler le visage, a poursuivi la ministre de la justice socialiste.
D'où le contre-projet indirect du gouvernement. Il prévoit d'inscrire dans le code pénal qu'il est punissable de contraindre une personne à se dissimuler le visage. Le délit sera poursuivi sur plainte, qui pourra être déposée par n'importe qui, "un voisin, un hôtelier", a illustré Martin Dummermuth, directeur de l'Office fédéral de la justice.
"Si on écrit dans le Code pénal explicitement que quelqu’un qui contraint une femme à porter un voile intégral est puni, je pense que c’est un signal très clair et très fort", a relevé Simonetta Sommaruga dans l'émission Forum.
Projet élaboré d'ici juin
De plus, les contacts avec les autorités fédérales et celles soumises au droit fédéral devront se faire à visage découvert. Il s'agit par exemple des contacts avec les autorités en charge des migrations ou du marché du travail.
Les infractions seraient punies. Un projet doit être élaboré d'ici fin juin 2018. Il sera ensuite mis en consultation.
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ats/ptur
"Aller au plus près d'une interdiction"
Le PS, le PLR et le PDC saluent la direction prise par le gouvernement. "C'est une bonne nouvelle que le Conseil fédéral ne méprise pas cette initiative", a réagi Géraldine Savary (PS/VD) dans le 19h30 de la RTS. Selon la conseillère aux Etats, "le Parlement doit aller au plus près d'une interdiction de la burqa".
S'il pense qu'une interdiction de dissimuler le visage est nécessaire, le PDC considère de son côté qu'elle doit se faire au niveau de la loi et non de la Constitution, ce qui permettrait d'intégrer des exceptions.
Le PLR approuve lui aussi la décision du Conseil fédéral de rejeter l'initiative; le parti examinera le projet lors de la procédure de consultation. Selon le parti, "il n'y a pas d'activisme législatif à faire". Le PLR estime toutefois que les fonctionnaires et les enseignants ne devraient pas être autorisés à se dissimuler le visage.
Le gouvernement est hors sujet, selon les initiants
A l'origine de l'initiative, le comité d'Egerkingen estime que la proposition du Conseil fédéral manque complètement le coche et compte donc maintenir son initiative. Pour le conseiller national Walter Wobmann (UDC/SO), du comité d'Egerkingen, "le Conseil fédéral ne veut pas voir le problème".
Le Soleurois relève qu'il se concentre sur le port imposé de la burqa et néglige tous les autres aspects. Il rappelle dès lors l'objet de l'initiative populaire: une interdiction générale de se dissimuler le visage, qui vise selon lui également les hooligans. Pour Walter Wobmann, il n'est pas possible que les 26 cantons passent des lois différentes. "Nous voulons une réglementation claire, car il en va de nos valeurs."
L'Union démocratique du centre rejette également la proposition du Conseil fédéral. "Le coeur de l'initiative est une interdiction de dissimuler le visage au niveau national et un message pour dire que l'islam radical n'a pas sa place en Suisse."