Patrouilles de rues, commandements de payer ou encore contrôles du stationnement, un quart des communes romandes mandate des compagnies privées pour des tâches diverses, selon une enquête de la RTS. Comme démontré lors d'une précédente recherche, cela concernait 19% des communes en 2012. Désormais, ce chiffre monte à 25%.
Et c'est tout à fait légal. Aujourd'hui à Genève, cela concerne presque la totalité des communes. A Neuchâtel, c'est la moitié. Dans les autres cantons romands, Valais, Vaud, ou encore Fribourg, on est proche des 20%. Et le phénomène est encore plus marqué côté alémanique.
"Dissuasion et prévention"
"On est là pour observer et puis surtout alerter les secours en cas de besoin. On est surtout là en rôle de dissuasion et de prévention", explique Fabio Lo Vacco, agent de sécurité privé pour la société EGS sécurité. Armé de spray au poivre et de menottes, il inspecte les points chauds de Cressier, petite commune neuchâteloise: la gare ou encore les alentours de l'école du village.
La commune fait appel depuis six ans aux services de cette compagnie privée pour des rondes nocturnes hebdomadaires. Tout cela plutôt que de mettre son propre agent de sécurité publique sur le terrain: celui-ci ne travaille d'ailleurs qu'à 60%.
Joël Boulogne, conseiller communal en charge de la police, relève que "ces agents ne sont pas armés, on ne peut pas les envoyer patrouiller seuls la nuit. Et c'est une sécurité pour eux. Ce serait un coût phénoménal d’avoir deux agents pour patrouiller une nuit, pour la fermeture de restaurants et tout".
En sous-traitant ces rondes à des privés, la commune économiserait ainsi 80'000 francs par an, et le vandalisme aurait depuis chuté de 70%, selon les estimations municipales.
Une sous-traitance "de moins en moins tabou"
EGS Sécurité SA à Boudry (NE) sous-traite pour des communes à travers toute la Suisse romande. L'entreprise préfère rester discrète sur le chiffre d'affaires que cela représente. Mais son responsable des opérations, Jeremy Schmidt, estime que cette sous-traitance est de moins en moins tabou.
En revanche, pour Jean Philippe Rochat, président du Syndicat des polices romandes (USPRO), confier des missions de sécurité publique à des privés est problématique. "Les agents de sécurité ne sont pas assermentés, ils ne sont pas considérés comme fonctionnaires. Donc en cas d'abus, ils ne peuvent pas être poursuivis pour abus d'autorité. Les problèmes qu'on pourrait avoir c’est des problèmes de collusion avec des agences de sécurité qui n'ont pas les mêmes liens avec l'Etat puisque que ce sont des contrats privés", déplore-t-il.
Des mandats complémentaires
Le canton de Neuchâtel a procédé à la cantonalisation des polices en 2009. Pour la plupart des communes, la mise en place d'une équipe d'agents de sécurité publique est une solution qui se complète très souvent avec un mandat confié aux privés.
A Hauterive, le discours est tout autre. Il y a deux ans, ce petit village du Littoral neuchâtelois a renoncé à toute compagnie privée pour surveiller sa plage. Depuis, elle se contente des patrouilles de la police cantonale basée non loin, à Marin.
Et le résultat est très satisfaisant pour la commune: "moins de vandalisme et moins de déchets sur les rives et gazons", estime le conseiller communal en charge de la police, Thomas Zeller. "Je dirais même que la police est un peu plus efficace. A cause de l'uniforme et à cause de la formation, les policiers sont un peu mieux formés. Ils savent comment se comporter envers les jeunes, comparé à une compagnie privée", poursuit-il.
Dimitri Zufferey et Julien Guillaume
769 communes sondées
La RTS a contacté par courriel un total de 769 communes entre août et octobre 2017. Ont été prises en compte, toutes les communes des six cantons romands, de même que celles appartenant aux arrondissements administratifs du Jura bernois et de Bienne pour le canton de Berne. 612 d’entre elles ont joué le jeu et nous ont communiqué le type de mandat confié.