La Suisse est le seul pays d'Europe à autoriser la vente sans restriction de ces produits appelés précurseurs d'explosifs. Mais le contexte international et la menace terroriste ont décidé le gouvernement à agir, pour éviter que des criminels viennent se fournir sur le territoire helvétique.
Si la loi en préparation est adoptée, acheter un produit qui contient beaucoup de ces ingrédients chimiques nécessitera dans certains cas une autorisation délivrée par l'Office fédéral de la police (Fedpol). Dans d'autres, le point de vente devra enregistrer la transaction et l'identité de son acheteur.
Restrictions mais pas interdiction
Il n'est pas question, en revanche, d'interdire la vente de ces substances. "On a choisi simplement de limiter l'accès pour mettre des barrières sur certaines substances qui sont présentes dans des produits à haute concentration", explique la porte-parole de Fedpol Cathy Maret, "parce que ce sont celles-là qui sont utilisées dans la fabrication de bombes artisanales."
L'objectif est clair: éviter que la Suisse ne devienne le supermarché en produits chimiques de terroristes en herbe. Car le risque est réel selon Fedpol, la Suisse étant le seul pays d'Europe à laisser ces précurseurs d'explosifs en vente libre.
Reste à savoir quelle sera l'efficacité d'une réglementation en la matière. Il sera par exemple difficile d'appliquer ces limites d'accès sur les ventes en ligne. Vendeurs et autorités devront par ailleurs jouer le jeu pour garantir l'application de la loi. La législation européenne en la matière, entrée en vigueur en 2014, n'a pas empêché les terroristes de Paris ou de Bruxelles de fabriquer des explosifs avec ce genre de substances.
Réaction suisse très tardive
Pour Michaël Dantinne, professeur de criminologie au Centre d’Etude sur le Terrorisme et la Radicalisation (CETR) à l’Université de Liège en Belgique, de telles lois ont le mérite "de dissuader certains individus (…) mais pour d’autres ça ne sera qu’un écueil de plus à franchir (…) ils réorienteront leurs projets vers des moyens plus accessibles."
En revanche, ce professeur en criminologie estime que la volonté de légiférer en Suisse arrive beaucoup trop tard.
Cette nouvelle loi, actuellement en consultation, touchera avant tout les particuliers. Les professionnels comme les agriculteurs, quant à eux, en seront exemptés. Mais ils pourront toujours faire l'objet d'une dénonciation par leur revendeur en cas de comportements suspects - une mesure qui est en vigueur depuis septembre 2016. Fedpol indique avoir reçu 28 annonces mais aucun soupçon n’était avéré.
Marc Menichini/oang
Des substances chimiques très communes
On trouve sans problème les précurseurs d'explosifs dans le commerce en Suisse.
Il s'agit de produits comme le peroxyde d'hydrogène, qui sert de désinfectant, de toute une série de nitrates utilisés dans les engrais ou encore des substances pour fabriquer des engins pyrotechniques.
L'acétone, employé notamment comme dissolvant pour vernis à ongles, en fait également partie.
Synthétiser ensemble de fortes concentrations de certaines de ces substances permet d'obtenir des explosifs du type TATP, très prisé des terroristes.