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La crise avec la Libye pourrait durer des années

Mouammar Kadhafi a appelé les musulmans à ne pas traiter avec la Suisse.
La crise entre la Suisse et le leader libyen dure depuis plus d'un an.
La crise entre la Suisse et la Libye peut durer des années, estime samedi un chercheur français. Ce scénario est le plus probable "si le dossier est bien entretenu côté libyen", affirme Luis Martinez, qui estime que Berne doit choisir la fermeté.

Dans une interview au Temps , Luis Martinez esquisse trois scénarios.
"Le premier est l'engrenage dans lequel la Suisse et la Libye se
trouvent aujourd'hui, d'attente en attente, d'accusation en
accusation", explique le directeur de recherche au Centre d'études
et de recherches internationales (CERI) de Paris.

"La Libye peut libérer l'un des Suisses et pas l'autre, trouver
mille et un prétextes car elle n'aura jamais ressenti la moindre
forme de rétorsion de la part de la Suisse. Tout le bénéfice est
pour elle", ajoute-t-il. Le chercheur français craint que ce
scénario "ne soit le plus probable".

La piste de la fermeté

Il ne "croit pas trop" à une deuxième possibilité, que la Suisse
profite d'une "solidarité" de l'Europe et des Etats-Unis, comme l'a
fait la Bulgarie dans la crise des infirmières bulgares. L'expert
du CERI privilégie pour sa part une autre piste: la fermeté. La
Suisse déciderait "d'aller jusqu'au bout de la crise politique que
semble vouloir la Libye et utilise tous les moyens juridiques
possibles".



"Je crois que si l'affaire n'est pas résolue à la fin 2009 (...),
il serait bon qu la Suisse se donne six mois sans relations avec la
Libye puis qu'elle définisse son agenda, qu'elle affirme que ses
deux ressortissants sont des otages, qu'elle porte plainte auprès
du Conseil de sécurité de l'ONU et qu'ensuite elle lance des
procédures civiles d'engagement contre les responsables libyens
accusés de séquestrer ces personnes".



Parallèlement, Berne devrait afficher sa "détermination" en
intervenant sur les chaînes arabes, en médiatisant les familles des
otages et en obtenant le soutien d'officiels ou de religieux
musulmans. Le régime de Tripoli, qui "n'aime pas aller au clash",
cherchera alors à "ne pas perdre la face" et s'engagera dans la
recherche d'une solution à l'amiable, estime Luis Martinez.



A côté de cette stratégie de la fermeté, la Suisse doit également
rappeler aux Libyens ce qu'elle a été dans les années 1980-1990 et
qu'au moment de la suspension de l'embargo elle avait été la
première à rétablir des liaisons aériennes avec Tripoli,
conseille-t-il.

L'"erreur" de Merz

Arnold Hottinger, ancien
correspondant de la Neue Zürcher Zeitung au Proche-Orient, met lui
aussi l'accent sur la fierté libyenne. Au lieu de jouer la carte
juridique, la Suisse devrait plutôt faire preuve d'"habileté"
diplomatique. "L'Etat de droit ne veut rien dire en Libye. Il faut
regarder comment on peut calmer Kadhafi", explique-t-il au
Tages-Anzeiger et au Bund.



Selon lui, il faut une ouverture pour permettre au dirigeant
libyen de se mettre en scène. Dans ce contexte, le président de la
Confédération Hans-Rudolf Merz a commis une "erreur" en ne
rencontrant pas Mouammar Kadhafi lors de son voyage en Libye.
"Kadhafi voulait un président. Merz arrive, discute d'abord avec
des subordonnés. On lui dit qu'il peut aussi parler avec Kadhafi et
Merz repart. Kadhafi a été furieux", affirme Arnold
Hottinger.



Le président de la Confédération aurait dû envisager d'attendre
d'être reçu par le maître de Tripoli - quitte à attendre plusieurs
jours. Cela ne signifie pas se laisser humilier par Tripoli,
précise le journaliste. Et de comparer cette affaire à une querelle
entre tribus, qui doit être réglé par un arbitre.



"Cela doit être mené à bien de façon à ce que Kadhafi ne perde pas
la face", dit-il. Mais il est important que ce tribunal arbitral
international cherche à réconcilier les deux parties, et non à
condamner, avertit-il. Car "s'il prend position contre la Libye,
Kadhafi prendra d'autres personnes en otages".



agences/cab

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Le travail du Conseil fédéral sera examiné

La Commission de gestion (CdG) du Conseil national passera au crible le comportement du Conseil fédéral dans l'affaire libyenne. La CdG a décidé vendredi d'examiner ce dossier, a déclaré samedi la vice-présidente de la Commission, Maria Roth-Bernasconi (PS/GE).

La CdG veut tirer au clair le déroulement des faits et vérifier les rôles exacts joués par le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz et la ministre des affaires étrangères Micheline Calmy-Rey, a déclaré Maria Roth-Bernasconi, confirmant une information du Tages Anzeiger et du Bund.

L'examen doit avoir lieu dans le cadre de la surveillance ordinaire du travail du Conseil fédéral.

Polémique et provocation

La Tribune de Genève a créé la polémique en publiant vendredi des photos d'identité judiciaire d'Hannibal Kadhafi, au risque d'envenimer encore un peu plus les relations entre la Suisse et Tripoli où sont toujours retenus deux hommes d'affaires suisses.

Ces photos de face et de profil du fils du dirigeant libyen, mal rasé et les cheveux en bataille, datent de l'arrestation d'Hannibal Kadhafi à Genève en juillet 2008.

Publiées par le quotidien sous le titre: "l'humiliation, nerf de la guerre que livre la Libye à la Suisse", les clichés ont provoqué un tollé au Palais de justice de Genève.

Le procureur général de Genève, Daniel Zappelli, a annoncé l'ouverture d'une "enquête contre inconnu pour violation du secret de fonction".

Surenchère de la Lega
L'affaire amène aussi son lot de surenchères. Après la volonté libyenne de démanteler la Suisse, c'est au tour d'un député de la Lega au Grand Conseil tessinois de faire parler de lui: il veut que la Suisse "déclare la guerre à la Libye".

Boris Bignasca, fils du président de la Lega Giuliano Bignasca et neveu du conseiller national Attilio Bignasca, a déposé une résolution au Grand Conseil tessinois qui demande que celui-ci s'engage devant l'Assemblée fédérale pour qu'elle déclare la guerre à la Libye.

Dans son texte, reproduit vendredi sur plusieurs sites de médias tessinois, Boris Bignasca, coutumier de déclarations provocantes, prône une "action de force" pour libérer les otages suisses en Libye.