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La libération conditionnelle, rare pour les détenus condamnés à l'internement

Détenus dangereux: manque d'encadrement
Détenus dangereux: manque d'encadrement / 19h30 / 2 min. / le 8 mars 2018
Seuls 2% des détenus condamnés à l'internement obtiennent la libération conditionnelle chaque année en Suisse, révèle une étude. Faute de structures suffisantes, ces détenus ne peuvent bénéficier d'un suivi adéquat.

Présentée jeudi à Interlaken (BE) lors du congrès annuel du Groupe suisse de criminologie, l'étude vient contredire certains a priori. Elle démontre notamment que le taux de libération conditionnelle pour les détenus qui font l'objet de mesures d'internement - soit ceux jugés dangereux avec un risque de récidive - est extrêmement bas, indiquent les deux auteurs du rapport.

Tout comme le taux pour les détenus qui font l'objet de mesures institutionnelles selon l'article 59 du code pénal, c'est-à-dire ceux présentant des troubles psychotiques ou des troubles de la personnalité. Seuls 10% se voient octroyés la libération conditionnelle chaque année.

En comparaison, les détenus condamnés à des peines privatives de liberté obtiennent la libération conditionnelle dans 70% des cas par année.

>> Lire : La libération conditionnelle, une faveur plus rare pour les détenus romands

De nouvelles exigences pour les établissements

Ces chiffres soulèvent un certain nombre de questions. "On se rend compte qu'une grande majorité des personnes en exécution de l'internement vont probablement rester à vie en détention", explique dans le 19h30 Thomas Freytag, co-auteur de l'étude et chef de l'Office de l'exécution judiciaire du canton de Berne. "Pour les établissements, cela pose de nouvelles exigences."

En résumé, ces détenus qui ont besoin de traitements thérapeutiques restent longtemps en détention, voire ne sortent jamais, et sont ainsi de plus en plus nombreux si l'on prend en compte les nouvelles condamnations. Face à cette situation, les professionnels sont inquiets.

Selon un rapport du groupe technique "Monitorage des capacités de privation de liberté" publié l'été dernier, il manque en Suisse 280 places de clinique psychiatrique pour ces détenus qui souffrent de troubles psychotiques ou de la personnalité, dont 150 places en Suisse romande.

"Il y a de l'insatisfaction de tous les côtés", analyse Bruno Gravier, président de la Conférence des médecins pénitentiaires suisses. "D'abord, du côté des personnes qui font l'objet de ces mesures et qui disent qu'elles ne bénéficient pas des soins nécessaires à leur état. Du côté des autorités qui affirment qu'il n'y a pas assez de densité thérapeutique, donc on ne peut pas faire de pronostic fiable. Et enfin, du côté des équipes thérapeutiques, qui disent qu'elles n'ont pas les moyens de travailler."

De nouvelles places à Curabilis et à Cery

Seul projet concret pour le moment: le site de Cery, à Prilly (VD), qui prévoit 20 nouvelles places pour 2019. Pour les milieux politiques, c'est un début.

"Nous avons des perspectives de création d'espaces pour accueillir ce type de détenus, notamment avec les nouvelles places à Cery", confirme le Genevois Pierre Maudet, président de la Conférence latine des chefs de département de justice et police.

"Nous venons également de mettre sur le marché l'établissement de Curabilis, c'est relativement nouveau, mais il s'agit tout de même de plusieurs dizaines de places; il faut pouvoir absorber cette première mise en oeuvre", ajoute le conseiller d'Etat genevois.

Reste que l'étude publiée jeudi tire la sonnette d'alarme. Actuellement en Suisse, un millier de détenus font l'objet de mesures institutionnelles ou de mesures d'internement.

Valérie Gillioz/tmun

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