Le Ministère public de la Confédération (MPC) a ouvert une enquête pour espionnage politique et préparation d'enlèvement, a révélé le Tages-Anzeiger. Mais la question devient également politique: le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) a annoncé jeudi qu'il est d'avis que la procédure pénale peut être poursuivie.
L'enquête a été ouverte contre deux employés de haut rang de l'ambassade de Turquie à Berne, pour une affaire qui remonte à 2016. Les deux hommes sont soupçonnés de tentative d'enlèvement.
L'enquête peut continuer
Le DFAE a expliqué que les faits reprochés à ces deux personnes ne font pas partie de l’exercice de leurs fonctions diplomatiques. La question d'une éventuelle immunité diplomatique ne se pose donc pas. Les deux individus peuvent toutefois faire recours contre cette décision.
Le MPC peut donc continuer à mener son enquête. Reste la question d'éventuelles sanctions diplomatiques de la Suisse à l'encontre de la Turquie. Le DFAE ne se prononce pas pour l'heure, mais rappelle qu'il condamne clairement toute activité d'espionnage illégale sur le sol suisse.
Le conseiller fédéral Ignazio Cassis, à la tête du DFAE, ne s'est pas non plus exprimé. Il doit "encore prendre connaissance de l'affaire".
Réactions fortes des politiques
Ce "roman d'espionnage" fait bouillonner les travées du Palais fédéral. Pour le conseiller national Carlo Sommaruga (PS/GE), la Suisse ne peut pas rester les bras croisés. "Je suis scandalisé qu'un Etat vienne enfreindre ainsi la souveraineté de la Suisse. Il faut une réaction", estime le socialiste, qui appelle au rappel de l'ambassadeur suisse à Ankara, à la suspension des négociations sur un accord de libre-échange, et même au refus d'une libéralisation des visas pour la Turquie.
D'autres affichent davantage de prudence. "Une réaction dix-huit mois après les faits me semble trop différée. Il faut plutôt avoir maintenant une explication entre Suisses", estime le conseiller national Yves Nidegger (UDC/GE).
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Camille Degott/kkub