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Les procureurs rappelés à l'ordre sur les expulsions de criminels étrangers

Renvoi des criminels étrangers, les procureurs pas assez sévères?
Renvoi des criminels étrangers, les procureurs pas assez sévères? / 19h30 / 2 min. / le 15 mars 2018
Depuis octobre 2016, les étrangers qui commettent certains délits en Suisse doivent obligatoirement être expulsés. Mais certains estiment que la loi est appliquée de façon un peu laxiste.

A la suite d'une interpellation mercredi au Conseil des Etats, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a mis en garde les procureurs qui renonceraient trop souvent à demander l'expulsion devant un tribunal.

"J'aimerais le dire en toute clarté: cette manière de procéder ne faisait pas partie de nos discussions au Parlement. Je pense qu'il est important qu'on le répète de façon très claire", a rappelé la ministre de Justice et Police.

D'aucuns accusent les procureurs de détourner l'esprit de la loi d'application sur le renvoi des criminels étrangers, entrée en vigueur le 1er octobre 2016.

Trop de cas de rigueur?

Le texte stipule qu'un étranger coupable de certains délits doit obligatoirement être expulsé sauf si - à titre exceptionnel - un tribunal y renonce en raison d'un "cas de rigueur".

Pour qu'un juge prononce l'expulsion, il faut néanmoins d'abord que le procureur le réclame. Or, dans de nombreux cantons, les procureurs y renoncent s'ils estiment eux-mêmes qu'il s'agit d'un cas de rigueur (lire encadré). L'étranger est alors condamné par ordonnance pénale et n'est pas expulsé.

Pour certains sénateurs, il n'est pas acceptable que les procureurs aient une telle latitude pour renoncer aux expulsions. "Ce n'est pas dans l'esprit du législateur. Le Parlement a dit que les clauses de rigueur devaient être l'exception et non pas la règle", réagit par exemple le PLR argovien, Philipp Müller, dans le 19h30.

Une pratique "humaniste"

Le socialiste neuchâtelois Didier Berberat juge en revanche qu'"on ne viole pas la loi, mais on l'aménage dans la mesure où il faut tenir compte de chaque cas concret. Cette pratique humaniste honore le canton de Neuchâtel".

Le canton romand est en effet un des seuls à communiquer une statistique des renvois de criminels étrangers. Et depuis octobre 2016, le procureur a invoqué le "cas de rigueur" dans plus de la moitié des cas.

>> Lire : La justice neuchâteloise freine les expulsions de criminels étrangers

"Il ne faut pas d'antécédent. Il faut être bien intégré en Suisse. Il faut une situation sociale aisée. Ces critères, on ne les invente pas", réagit pour sa part Fabien Gasser, président de la Conférence des procureurs de Suisse.

A voir si ces assurances suffiront au Parlement. Simonetta Sommaruga n'exclut pas de limiter la liberté des procureurs de renoncer aux expulsions. Cela passerait par une révision du Code de procédure pénal.

Pierre Nebel/jgal

>> Sujet traité dans le 19h30 sur RTS Un le 15 mars 2018

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Les recommandations émises par les procureurs de Suisse

Dans l'intention de parvenir à des pratiques harmonisées en la matière, tout en tenant compte du caractère individuel de chaque procédure, la Conférence des procureurs de Suisse a adopté plusieurs recommandations. Elles sont suivies par tous les cantons sauf Argovie, Thurgovie et Bâle-Campagne qui renvoient systématiquement les cas au tribunal.

Le document stipule qu'en cas de meurtre, lésions corporelles graves, vol qualifié ou brigandage, le Ministère public doit requérir à l'expulsion obligatoire. Mais il prévoit aussi que, dans certaines circonstances, les procureurs sont autorisés à renoncer à l'expulsion en utilisant la "clause de rigueur", en tenant compte du caractère individuel de chaque cas, notamment des chances de réinsertion dans le pays d'origine.