Se cultiver, se former, comprendre les mutations de la société, du berceau jusqu'à notre dernier souffle, ça doit être possible. Et la retraite ne rime pas, mais pas du tout avec "les cahiers au feu".
Série réalisée par Manuela Salvi
Se cultiver, se former, comprendre les mutations de la société, du berceau jusqu'à notre dernier souffle, ça doit être possible. Et la retraite ne rime pas, mais pas du tout avec "les cahiers au feu".
Série réalisée par Manuela Salvi
Du berceau jusqu'au dernier souffle: la retraite ne doit pas rimer avec les cahiers au feu. C’est la conviction portée par un ouvrage collectif, aux Editions Antipodes, qui met la formation tout au long de la vie au coeur de toute politique du vieillissement.
La fin de la vie professionnelle marque une étape, un carrefour où se pose "la question du sens", souligne le sociologue et professeur honoraire de l’Université de Lausanne Roland Campiche. Or la loi fédérale sur la formation continue pose une limite claire: après 65 ans, plus rien n’est financé.
Avec l’allongement de l’espérance de vie, se former, comprendre les mutations technologiques se révèle indispensable pour être un citoyen actif et responsable. Or cette idée de formation universelle passe mal, s'agace Roland Campiche. La bonne nouvelle? Le département d’Alain Berset pourrait lâcher du lest sur le financement des bénévoles qui organisent les activités de l’Université des seniors.
Votre cerveau a des ressources jusqu'à la fin de vie! Les troubles cognitifs et les démences séniles ne sont pas une fatalité. Les recherches scientifiques sur la plasticité du cerveau le prouvent. Lorsque des neurones se fatiguent ou meurent, d’autres prennent le relais, précise Yves Dunant.
Pour ce neurobiologiste et professeur honoraire de l’Université de Genève, l’heure de la retraite a largement sonné, mais ses neurones phosphorent toujours autant. Il est formel, "une gymnastique cérébrale active protège contre la démence". C’est l’absence de stimulation intellectuelle ou relationnelle, l’isolement et le manque de sens qui laisse l’âge opérer ses outrages.
La santé contribue à plus de 50% à la qualité de vie d’un senior. Or, les recherches le prouvent, le niveau de formation détermine notre état de santé, influe sur notre hygiène de vie. Plus un senior est informé, mieux il vieillirait.
Etrange paradoxe? Pas vraiment, souligne le médecin et professeur honoraire de l’Université de Lausanne, Roger Darioli. S’interroger sur les recherches en médecine, poser des questions, assister à des conférences permettrait de faire des choix de traitement éclairés et donc de couler une retraite en meilleure santé physique et mentale.
C’est un message politique fort: la formation ne s’arrête pas à la retraite. L’idée séduit, mais sa concrétisation tarde, regrette Patricia Dubois, la secrétaire générale de Connaissance 3, l’Université des seniors dans le canton de Vaud.
L’institution fête ses 20 ans cette année. Véritable passerelle entre les connaissances académiques et la société, elle propose, grâce à des seniors bénévoles, des conférences, des séminaires, des cours ou des visites culturelles de haut vol.
C’est ouvert à toutes et à tous, sans limite d’âge, sans considération de diplôme et sans modération. Une manière de faire exister les seniors, de valoriser leurs compétences dans l’espace public et politique.
Utiliser une tablette, se brancher sur les nouvelles technologies, les seniors s’y mettent avec des jeunes. C’est la particularité du Cyberthé organisé par Pro Senectute de l’Arc jurassien en partenariat avec le SEMO, le semestre de motivation pour les jeunes de 15 à 25 ans.
Chaque mercredi, les seniors participent à un atelier informatique. Et une fois par mois, une conférence est agendée. Le 7 mars, au programme, le ebanking. Doris Dubois, 80 ans, s’interroge: pourra-t-on encore payer avec des bulletins de versement à la poste? Les questions fusent.
Les seniors surfent et veulent comprendre les mutations de la société. Avec les nouvelles technologies, les rôles s’inversent. Les jeunes en savent plus. Au final, tout le monde y trouve son compte. Les adultes aînés partagent leur expérience avec des jeunes en difficulté.
Il a fait de la formation tout au long de la vie son combat. Comment donner un sens à cette nouvelle tranche de vie? Est-ce un projet individuel ou l’Etat doit-il y contribuer ? Comment la formation peut-elle retrouver sa dimension universelle ? Réponses engagées avec Roland Campiche, sociologue, professeur honoraire de l'Université de Lausanne.