Les futures règles de l'Union européenne (UE) sont censées mieux encadrer les activités d'entreprises comme Facebook, qui brassent des millions de données chaque jour. Les utilisateurs, eux, seront mieux protégés.
Mais en Suisse, la modernisation de la législation en la matière prendra encore plusieurs années. Les utilisateurs suisses devront donc encore patienter et plusieurs spécialistes de la protection des données protestent contre ce retard. Ils ont publié lundi une lettre ouverte.
Révision scindée en deux en Suisse
Le Parlement a opté en janvier pour un examen en deux temps: d'abord la protection des données sous l'angle policier et sécuritaire et ensuite seulement le contrôle des plateformes et la protection des utilisateurs, au mieux l'an prochain.
La commission préparatoire reprendra ses travaux jeudi, en plein scandale sur le siphonnage de données Facebook qui n'a pas épargné la Suisse. Le Vert zurichois Balthasar Glättli souligne que la réglementation européenne permet justement de sanctionner les sociétés peu scrupuleuses. "La nouvelle législation va donner la possibilité d'imposer des amendes énormes à ces entreprises", rappelle-t-il. "En Suisse, ce ne sera toujours pas possible."
Doutes sur la solution européenne à l'UDC
L'UDC saint-gallois Lukas Reimann, de son côté, n'est pas convaincu par ces nouvelles normes. "L'Union européenne est la première à mettre en place une telle législation. Personne ne peut certifier que soit vraiment une bonne solution". Le conseiller national plaide donc en faveur de l'adaptation en deux temps en Suisse.
La socialiste fribourgeoise Valérie Piller Carrard, elle, craint que cette manière de procéder en scindant le projet ne pénalise les firmes suisses. "On a intérêt à ce que notre loi soit révisée le plus rapidement possible", dit-elle. "C'est dans l'intérêt des entreprises et des consommateurs suisses."
Les partisans de la loi devront donc s'armer de patience. La Suisse ne modernisera pas de sitôt sa législation sur la protection des données, qui date pour l'essentiel de 1993.
Pietro Bugnon/oang/jvia
"La Suisse risque d'attirer les mauvais élèves"
L'avocat spécialiste de la protection des données Sylvain Métille est signataire de la lettre ouverte qui affirme que "la Suisse risque de devenir un refuge pour les responsables de traitements douteux qui ne pourraient plus opérer en Europe".
Pour lui, le plus grand point faible est que "la Suisse conserverait pendant un certain temps une loi qui ne prévoit quasiment aucune sanction". "Une entreprise malhonnête (...) risquerait tout au plus une procédure compliquée par laquelle le préposé doit aller devant le Tribunal administratif fédéral pour obtenir juste la cessation du comportement illicite", souligne Sylvain Métille.
Le nouveau règlement européen, en revanche, pourrait fixer des amendes pouvant aller, dans les cas les plus extrêmes, jusqu'à 4% du chiffre d'affaires d'une entreprise.
"L'un va faire peur et on aura envie de le respecter. L'autre, on aura envie d'en profiter pour faire de petits essais...", regrette l'avocat.
"On a envie de positionner la Suisse comme un paradis pour les données, un Etat à la pointe en matière technologique. Mais en faisant cela, on ne va pas attirer les bons élèves. On va soit attirer personne, soit attirer les mauvais élèves", ajoute-t-il.
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