"La mort approche, avec parfois des troubles cognitifs, et la vie devient dure. On devrait pouvoir être là pour répondre à ces besoins essentiels, mais ça devient de plus en plus difficile", déplore Thierry Daviaud, infirmier dans la région genevoise.
Son unité ne compte que deux infirmiers pour 46 résidents, dépendants et fragiles: "C'est une forme de maltraitance institutionnelle", dénonce-t-il.
Selon une enquête du Matin dimanche publiée début avril, plus de 153'000 personnes âgées séjournaient dans les établissements médico-sociaux fin 2016, soit une augmentation de 10'000 résidents en cinq ans. Pourtant, près de 300 maisons de retraite sur les 1552 passées en revue ont réduit leurs effectifs de soignants professionnels.
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Pressions financières
Dans un tiers des cas, les réductions étaient massives, avec une baisse de 20% des effectifs, notait l'hebdomadaire orange. Dans d'autres cas, ils ont été remplacés par des auxiliaire non qualifiés, qui proviennent de secteurs aussi divers que l'hôtellerie, le ménage, l'horlogerie ou encore des chômeurs en fin de droit. Les conséquences sur la qualité des soins peuvent s'avérer fâcheuses.
"On a de moins en moins de temps pour les résidents qui vont décéder. Avant, on arrivait quand même à passer régulièrement pour effectuer des soins de confort. Notre temps est désormais tellement limité qu'on n'arrive plus à le faire correctement."
Ces résidents nous prennent parfois pour leur famille et on n'a même pas le temps de leur dire au revoir
L'association faîtière des maisons de retraite suisses nuance ces critiques, soulignant que "quatre EMS sur cinq en Suisse ont maintenu ou augmenté leur personnel qualifié. Cela veut dire que le personnel est en hausse", affirme Daniel Höchli, directeur de Curaviva. Ce dernier dénonce néanmoins les pressions financières auxquelles sont soumises les EMS, insistant sur le fait que "tous les soins ne sont pas couverts".
Ces pressions financières sont également dénoncées par le syndicat SSP à Neuchâtel, qui rejette la faute sur un dysfonctionnement du système des soins. "Je dénonce très clairement la pression financière tant des assureurs par le principe de la LAMal, que la loi cantonale, qui a baissé ses critères", lance Yasmina Produit, secrétaire régionale du syndicat.
Des cantons ne paient pas leur part
Depuis 2011, les EMS sont financés par trois piliers: les résidents, les assureurs et les cantons.
Or, certains cantons ne s'acquittent pas de la totalité de leur part. Chaque année, il manque de 250 à 350 millions de francs dans les caisses des maisons de retraite suisses.
"C'est pour cela que nous souhaitons corriger la loi", explique Daniel Höchli. Sa proposition: augmenter régulièrement la contribution des assureurs maladies et "obliger" les cantons à payer réellement leur part.
D'ici l'été, le Conseil fédéral devrait se prononcer sur une éventuelle augmentation des contributions des assureurs et des cantons.
Julien Guillaume/fme