Le procureur fédéral extraordinaire Eric Cottier a estimé que l'action du diplomate était "licite". Jacques Pitteloud, actuel chef des ressources humaines du DFAE, était accusé d'avoir fait pression sur deux hommes d’affaires kényans, poursuivis pour corruption en Suisse, alors qu'il était en poste à l'ambassade à Nairobi.
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Les détails de cette ordonnance de classement, que la RTS s'est procurée, en disent long sur les méthodes de Jacques Pitteloud. Un style "hardi", écrit le procureur extraordinaire, qui qualifie les messages écrits par le diplomate aux hommes d'affaires de "lapidaires, teintés de sous-entendus et non exempts de (...) menace".
Un franc-parler "admissible"
Ce style, on le retrouve aussi dans les échanges entre l’ambassadeur et sa centrale à Berne. Jacques Pitteloud écrit en particulier que cette "belle opération" devrait "forcer" les deux frères à accepter un accord. L'ordonnance évoque aussi des "considérations peu flatteuses, cyniques, à l'endroit de personnages politiques kényans".
Eric Cottier estime toutefois que, "replacé dans son contexte", ce franc-parler est "admissible", bien qu'il "détonne avec l'image traditionnelle du parler diplomatique". Pour lui, la contrainte ne peut pas être retenue car, s'il y a eu des pressions, elles sont restées sans effet. Les plaignants "ne se sont (...) pas sentis menacés", relève le procureur.
Un ton "un peu carré"
De plus, Jacque Pitteloud a agi en "messager" dans cette affaire", poursuit Eric Cottier. L'ancien ambassadeur est d'ailleurs soutenu par sa hiérarchie. Deux responsables du DFAE ont été auditionnés comme témoins. L'une admet ainsi que le ton "n’était pas banal, mais que cela fait partie de la marge de manoeuvre dont dispose l'ambassadeur".
"Le ton a peut-être été un peu carré, mais les circonstances s'y prêtaient", admet pour sa part Claude Nicati, l'avocat de Jacques Pitteloud. "Le but d'une négociation, c'est d'obtenir quelque chose de la partie adverse, et il faut peut-être de temps en temps bousculer ladite partie adverse", précise-t-il.
Recours au Tribunal pénal fédéral?
Reste que le "Kenyagate" pourrait encore rebondir sur le terrain judiciaire. L'avocat des plaignants parle en effet de "plusieurs points critiquables". Il n'exclut donc pas de recourir au Tribunal pénal fédéral.
Pietro Bugnon/dk
Le DFAE se dit satisfait
Dans une prise de position envoyée mercredi à la RTS, le DFAE indique avoir pris connaissance "avec satisfaction" de l’ordonnance de classement dans la procédure menée contre l’ambassadeur Jacques Pitteloud, "étant donné que ce dernier a toujours pu compter sur la confiance et l'appui du DFAE".
Le département précise ne pas avoir de commentaire supplémentaire à ajouter, "du fait qu'il peut encore être recouru contre la décision de classement du Procureur spécial de la Confédération".