Pour les référendaires, les joueurs resteront toujours aussi exposés aux risques de jeu excessif avec la nouvelle loi. Les partisans de cette législation, y compris les milieux de la prévention, parlent quant à eux de réelles améliorations contre ce phénomène.
Si en termes de protection des joueurs, rien ne va vraiment changer pour les casinos, les loteries devront en revanche prendre de nouvelles mesures quant à leur offre sur internet: le repérage précoce de joueurs dépendants, la proposition d'entretien psychologique, mais aussi leur exclusion.
Modalités d'expulsion à définir
En revanche, les personnes exclues pourront toujours se rabattre sur les jeux mis à disposition dans les bars et cafés. Seule nouveauté concernant ces loteries électroniques, un contrôle d'accès empêchera les mineurs d'y jouer. Mais l'exclusion de joueurs compulsifs n'est pour l'heure pas prévue.
"S'agissant des loteries électroniques, une forme d'exclusion devra être mise en place", admet Jean-Luc Moner Banet, directeur de la Loterie romande. "Les modalités exactes de cette exclusion - compte tenu que les points de vente sont publics - seront peut-être plus complexes que pour internet, et devront être décidées en collaboration avec le régulateur."
Ce dernier, en l'occurrence la commission des loteries et paris, examinera ce point seulement après la votation. De quoi laisser les opposants à la loi très sceptiques.
Coûts sociaux du jeu
"Ces mesures sont peut-être positives et justifient le soutien des milieux de la prévention, mais elles sont clairement insuffisantes et ne pondèrent pas le fait que cette loi va pousser de plus en plus de monde à jouer", estime Kevin Morisod, coprésident des Jeunes Verts suisses. "On est face à une loi qui ne protège pas les joueurs dépendants. En Suisse, les coûts sociaux du jeu pathologique s'élèvent à plus de 600 millions de francs par année, et pour ceci la loi ne fait rien."
Pour les Jeunes Verts, une prévention réellement efficace exigerait une augmentation, et non une baisse, de la taxe sur les gains des joueurs. Il faudrait également augmenter de manière conséquente les fonds dédiés à la lutte contre le jeu excessif.
Marc Menichini/kkub
La prévention, "dindon de la farce"
D'abord enclin à la rejeter, les milieux de la prévention ont finalement rallié le camp du oui à la nouvelle loi sur les jeux d'argent en votation le 10 juin.
"La prévention est le dindon de la farce dans ce sujet", estime Jean-Félix Savary, secrétaire général du Groupement romand d'études des addictions (GREA). "Il faut placer le débat sur un autre plan, celui de la régulation."
"La vraie question, poursuit-il, est la suivante: est-ce que nous voulons garder les manettes du contrôle des jeux en mains des autorités politiques suisses?"
"Cocktail explosif"
Les opérateurs de jeux en ligne ont en effet beaucoup investi dans l’exploitation du big data, à des fins de profilage des joueurs, et ils connaissent les études sur le fonctionnement du cerveau, explique le responsable. "C’est un cocktail explosif."
Jean-Félix Savary souligne le besoin de garder un minimum de contrôle sur ce marché, "même si la loi nous déçoit un peu, car elle ne prend pas la mesure de ce qu'est le jeu excessif, de son coût pour la société".
Et de conclure: "Plus on protège les joueurs, moins on gagne d’argent. Selon des études internationales, environ 40% des revenus des jeux proviennent de personnes malades, ayant un jeu pathologique. Est-ce donc bien éthique de financer le bien public, les services publiques avec l’argent de personnes souvent dans le besoin?"
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