Une révolution démographique est annoncée, et elle n'épargnera pas la Suisse. Le pays compte actuellement plus d'1,5 million d'habitants de plus de 65 ans, soit 18% de sa population. D'après les projections de l'Office fédéral de la statistique, cette part devrait progresser à plus de 24% en 2035 et excéder les 26% en 2045.
D'ici là, selon le scénario de référence de l'OFS, le nombre de seniors aura quasiment doublé (2,7 millions) et, avec lui, les besoins en matière de prestations d'accompagnement et de soins.
500'000 bénéficiaires d’assistance médico-sociale
En 2016, près de 500'000 personnes ont reçu une assistance médico-sociale, un nombre en progression par rapport à 2015. Parmi elles, 340'000 ont bénéficié d’aide et de soins à domicile, et 149'000 résidaient en établissements médico-sociaux (EMS).
La capacité d'accueil moyenne en Suisse s'établit aujourd'hui à 63 lits d'EMS pour 1000 seniors de plus de 65 ans, avec d'importantes variations cantonales (voir encadré pour des précisions sur cet indicateur).
En appliquant une logique purement arithmétique, pour suivre l'évolution démographique annoncée, plus de 70'000 places d'EMS devraient être créées d'ici 2045 à travers le pays et ce, uniquement pour maintenir le niveau d'accueil actuel.
L'effort à consentir serait énorme pour les cantons. A titre d'exemple, il faudrait créer dans le seul canton de Vaud -selon les projections de l'office de statistiques cantonal- au moins 5000 places d'EMS, et trouver suffisamment de professionnels des soins à domicile pour s'occuper de 20'000 bénéficiaires, l'équivalent de la population de Nyon.
Repenser le système
Pour les organisations spécialistes des défis liés au grand âge, il est dans l'intérêt de tous de repenser le système et de trouver d'autres solutions.
"Les personnes âgées elles-mêmes souhaitent rester le plus tard possible chez elles et n'entrer en EMS que lorsque c'est nécessaire", pointe la porte-parole de Pro Senectute Judith Bucher. "Ne plus pouvoir payer ses factures ou faire ses courses n'est pas forcément une raison pour aller en EMS."
Pour Curaviva, l'association des homes et institutions sociales de Suisse, "il faut pouvoir continuer à apporter un accompagnement de qualité sans forcément doubler les structures". Et cela passe par "la mise en réseau de l'intégralité des offres et la création de nouvelles solutions", souligne Camille-Angelo Aglione, le secrétaire romand de l'organisation.
Mieux soutenir les proches aidants
Ces associations préconisent notamment de mieux soutenir les proches aidants, en leur offrant des "solutions de répit" comme des structures d'accueil de jour ou de nuit.
"On pourrait également imaginer que l'expertise du personnel des EMS soit mise à disposition, que les lits d'EMS puissent être utilisés pour du court séjour... Et à l'inverse, les soins à domicile pourraient être mis à contribution dans les EMS afin d'apporter du soin 24 heures sur 24", développe le porte-parole de Curaviva.
D'autres solutions de structures intermédiaires apparaissent en Suisse depuis quelques années: des appartements protégés dans des locatifs spécialement pensés pour le grand âge, le réaménagement et l'adaptation de logements existants, la cohabitation intergénérationnelle... Autant d'alternatives possibles à la conception ancienne de l'EMS où l'on entre pour finir sa vie.
Pauline Turuban
La densité de lits en EMS est plus faible en Suisse romande
Usuellement, les capacités d'accueil des aînés se mesurent dans les cantons par le taux de places en EMS pour 1000 seniors. Mais il s'agit d'un indicateur parmi d'autres; pour comparer les cantons entre eux, il conviendrait d'observer l'ensemble de la chaîne de soins et d'accompagnement aux personnes âgées, et de prendre en compte les spécificités cantonales.
A l'exception de Neuchâtel, qui dispose d'une densité de lits supérieure à la moyenne suisse, les cantons romands comptent parmi ceux dont le taux de lits d’EMS par 1000 habitants est le plus bas de Suisse. Curaviva explique ce constat par le fait que "les moyens permettant d’éviter ou retarder l’entrée en EMS y ont été fortement développés depuis de nombreuses années", qu'il s'agisse de soins à domicile ou de structures intermédiaires.
Cette explication globale cache toutefois des disparités. A Genève, la gestion des places d'EMS en flux très tendu pose problème: il y a constamment des dizaines de personnes sur liste d'attente. Le canton de Vaud, qui a appliqué un moratoire sur la construction de nouveaux lits il y a 15 ans, en pariant justement sur le développement d'alternatives, recommence désormais à construire des places d'EMS en nombre. Et à l'inverse, ailleurs en Suisse certains homes manquent de résidents.