Cette étude, baptisée Optimus, a été menée conjointement par la Haute école spécialisée de Lucerne et l'Université de Lausanne. Ses auteurs ont recueilli les données émanant de centaines d'organisations en charge de la protection de l'enfance, comme des services sociaux, des hôpitaux, la police et les services d'aide aux victimes.
Seuls les enfants en contact avec ces institutions ont donc été recensés, ce qui fait dire aux chercheurs que les 30'000 à 50'000 victimes de maltraitances recensées chaque année ne représente que la pointe de l'iceberg.
Des chiffres similaires à ceux des années 1990
Il est par ailleurs impossible, en l'état, de dire si le nombre de cas établis est en augmentation ou en diminution. L'étude existe depuis 1991 et cette année-là, le nombre des enfants maltraités atteignait 40'000 - soit un chiffre du même ordre de grandeur que ceux qui viennent d'être publiés.
Interrogé dans le 12h30 de la RTS, le directeur de l'Observatoire de la maltraitance envers les enfants de l'Université de Lausanne René Knüsel parle d'un chiffre "énorme, surprenant et même inquiétant, qui n'était probablement pas attendu à ce niveau."
Coauteur de l'étude, il souligne qu'il faut tout de même relativiser les choses: "Peut-être que ce nombre montre que le travail des institutions qui suivent ces enfants est performant."
Une image plus représentative de la situation aujourd'hui
La comparaison avec les chiffres des années 1990 doit aussi tenir compte de l'augmentation globale de la population, note René Knüsel. "Nous avons probablement aujourd'hui de meilleurs moyens de détecter et peut-être que les chiffres qu'on a aujourd'hui beaucoup plus représentatifs de la situation qu'ils ne l'étaient dans les années 1990", précise-t-il.
Reste que le problème est bien réel en Suisse. "Je crois qu'on sous-estime très largement ce phénomène. Probablement qu'on ne donne pas aux enfants ce qu'il leur revient naturellement, en soutenant en particulier les familles qui parfois ont de grosses difficultés à concilier les attentes que la société a par rapport à elles sur leur travail d'éducation et d'encadrement des enfants."
Malgré la signature de la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant et le nombre d'organisations et d'intervenants qui s'occupent de maltraitance aujourd'hui, la Suisse n'a donc pas fait de véritable progrès dans la lutte contre cette maltraitance.
Simon Corthay/oang