Quand la politique s'invite sur les terrains de sport, les esprits s'échauffent vite. A ce titre, le match de la Coupe du monde de foot vendredi soir à Kaliningrad opposant l'équipe de Suisse et ses nombreux joueurs d'origine albanaise à la Serbie était très surveillé.
La Suisse a remporté la partie grâce à deux buts de Granit Xhaka - né en Suisse d'une famille kosovare - et de Xherdan Shaqiri - né au Kosovo, une ancienne province serbe. Tous deux ont célébré leur réussite en mimant l'aigle à deux têtes, emblème de l'Albanie.
Samedi soir, la FIFA a annoncé avoir une enquête disciplinaire contre les deux joueurs de l'équipe de Suisse. Le comité de discipline de la fédération internationale de foot va examiner leurs célébrations controversées. On ignore pour l'instant quelles pourraient être les conséquences.
A noter qu'une procédure disciplinaire a également été ouverte contre la Fédération serbe en raison du comportement de ses supporters, notamment des messages politiques et offensants. Une enquête préliminaire est aussi en cours contre le sélectionneur serbe Mladen Krstajic, a indiqué la FIFA.
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Natalie Rickli tacle, Cédric Wermuth temporise
En Suisse, le geste de Xhaka et Shaqiri a notamment déplu à la conseillère nationale UDC Natalie Rickli. "Je ne peux pas vraiment me réjouir. Les deux buts n'ont pas été marqués pour la Suisse, mais pour le Kosovo", a tweeté la Zurichoise, entraînant une longue série de messages d'approbation et de désapprobation.
Tout en appelant au calme, le conseiller national PS Cédric Wermuth a répondu à sa collègue: "Je comprends si (ce geste) a énervé les Serbes ici au pays. Mais pour cela (la réaction de Natalie Rickli, ndlr), je n'ai aucune compréhension.". "Si vous n'avez pas compris que l'histoire albanaise-kosovare appartient à la Suisse, vous avez besoin de cours d'appui", a ajouté l'Argovien.
"On ne devrait pas mélanger la politique et le football"
"Je ne veux pas parler de cela", a esquivé Xherdan Shaqiri, désigné "homme du match" par la FIFA, au terme de la rencontre. "C'était un jour spécial pour moi", a affirmé pour sa part Granit Xhaka, défendant son geste qui a fortement déplu sur place en Russie.
"Il est bien clair que les émotions ressortent, et c'est ce qui s'est produit", a réagi Vladimir Petkovic, déplorant toutefois, à l'instar de l'Association suisse de football, le geste de ses deux joueurs. "On ne devrait pas mélanger la politique et le football", a ajouté le sélectionneur suisse, natif de Sarajevo en Bosnie-Herzégovine.
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En Serbie, la presse a critiqué le comportement des deux buteurs suisses, dénonçant une "provocation honteuse", l'aigle bicéphale étant considéré comme un symbole de la doctrine nationaliste de la Grande Albanie, qui vise à unir tous les Albanais des Balkans.
Roger Köppel "frôle avec le racisme"
L'éditorialiste et conseiller national UDC Roger Köppel n'a pas attendu cette mini-polémique pour critiquer l'équipe nationale. Cette semaine dans la Weltwoche, le Zurichois a ainsi parlé d'"une troupe de mercenaires multiculturelle balkanique presque sans patrie", "enrichie par quelques Africains 'ensuissés'".
Cet éditorial a suscité de vives réactions en Suisse alémanique ainsi que sur les réseaux sociaux. Un journaliste du Tages-Anzeiger a notamment accusé l'élu UDC de "frôler avec le racisme".
Didier Kottelat, avec ats
Agressions en marge du match à Zurich et Bâle
La victoire de la Suisse contre la Serbie vendredi soir n'a pas apaisé l'esprit de certains fans de foot. A Zurich, un groupe de fans serbes ont brûlé un drapeau du Kosovo et ont attaqué un homme de 32 ans, a indiqué la police samedi.
Les assaillants l'ont frappé et lui ont donné des coups de pied à la tête. Ils se sont enfuis quand des passants sont venus à la rescousse de l'homme à terre, qui a dû être transporté à l'hôpital.
A Bâle, un fan de football exhibant un drapeau albanais s'est pris un coup de couteau à une jambe dans la nuit de vendredi à samedi à Bâle devant son domicile. Ses jours ne sont pas en danger.
Présents sur place pour une autre raison, les policiers sont intervenus après l'agression, mais ne sont pas parvenus à arrêter les suspects. Les trois ou quatre assaillants courent toujours.