Alors que les entreprises suisses étaient enthousiastes à l'idée de commercer avec l'Iran après la signature de l'accord sur le nucléaire en 2015, le soufflé est aujourd'hui largement retombé. Les entreprises suisses ne se pressent pas pour rencontrer le président iranien en visite officielle en Suisse.
Habituellement, la Suisse est plutôt fière de montrer son savoir-faire à ses hôtes. Mais lundi et mardi, aucune visite n'est prévue dans une école polytechnique, une université ou une entreprise suisse, tout juste une table ronde organisée par les chambres de commerce Suisse - Iran.
Un programme qui trahit l'embarras des entreprises suisses, comme le confirme le conseiller national (PDC/VD) et chef d'entreprise Claude Béglé: "J'ai eu des contacts avec des entrepreneurs qui ne voulaient pas rencontrer le président (iranien) pour ne pas s'exposer, et éviter les foudres des Etats-Unis", affirme-t-il lundi dans la Matinale de la RTS.
"Méthode 'à la cow-boy'"
En résiliant l'accord sur le nucléaire iranien, les Etats-Unis ont averti que quiconque fera affaire avec l'Iran sera sanctionné.
"Si son entreprise a des activités économiques et commerciales avec les Etats-Unis, (l'entrepreneur) encourt le risque des ruptures de contrat, respectivement des impossibilités de conclure de nouveaux contrats avec les Etats-Unis", explique Laurent Wehrli, conseiller national (PLR/VD) et spécialiste de politique étrangère. "Le chantage trumpien est une méthode 'à la cow-boy', mais les Etats-Unis étant une grande puissance, ce sont des choses qui sont prises en considération", souligne-t-il.
Affaires moins bonnes que prévu
En 2016, une délégation suisse emmenée par le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann avait investi l'Iran, qu'elle voyait comme un nouvel eldorado. Aujourd'hui, une tel voyage serait impossible. "Je pense qu'aujourd'hui la donne a complètement changé. Personne n'a envie de marquer un auto-goal en se créant des problèmes", estime Bernard Rueger, vice-président de la faîtière des entreprises Economiesuisse.
Les entreprises suisses montrent d'autant moins d'empressement à entourer le président Rohani sur la photo officielle que les affaires n'ont pas été aussi bonnes que prévu, malgré la levée des sanctions. L'an dernier, les exportations suisses en Iran ne se sont élevées qu'à 530 millions de francs, alors qu'Economiesuisse s'attendait au double.
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Muriel Ballaman/kkub
Les entreprises ne veulent pas risquer leurs intérêts internationaux
Azadeh Kian, professeure de sciences politiques à l'université Paris Diderot, rappelle dans La Matinale de la RTS la neutralité suisse et le fait que le pays protège les intérêts américains en Iran depuis 1979 et la rupture des relations diplomatiques entre Iran et Etats-Unis.
Elle souligne qu'aux yeux d'Hassan Rohani, la situation de la Suisse en Europe, peut lui permettre d'exercer une influence. Même sous le régime des sanctions, les relations entre Suisse et Iran n'ont pas été rompues. Pourtant, les relations économiques souffrent des menaces de sanctions de Donald Trump. "Les entreprises s'intéressent beaucoup à l'Iran, mais ont peur des sanctions étatsuniennes (...), donc l'intérêt est grand, mais ces entreprises ne vont pas risquer leurs intérêts internationaux en allant investir dans ce pays."
Le but de ce voyage est de "persuader les Européens de maintenir l'accord nucléaire". Azadeh Kian explique que les ultra-conservateurs iraniens menacent de quitter d'eux-mêmes l'accord sur le nucléaire, voire de recommencer l'enrichissement de l'uranium et même de sortir du traité de non-prolifération nucléaire. "Je pense qu'Hassan Rohani vient expliquer aux Suisses et aux Autrichiens l'importance de maintenir cet accord", et que son maintien sera très positif pour le monde entier.
Ecouter l'interview d'Azadeh Kian