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"Les autoroutes à deux étages ne devraient être qu'un ultime recours"

L'invité de la rédaction (vidéo) - Thierry Chanard, urbaniste, spécialiste de la mobilité
L'invité de la rédaction (vidéo) - Thierry Chanard, urbaniste, spécialiste de la mobilité / La Matinale / 9 min. / le 31 juillet 2018
Spécialiste de la mobilité, urbaniste et directeur associé du groupe d'étude en aménagement GEA, Thierry Chanard n'est pas séduit par l'idée d'une autoroute à deux étages, envisagée dans la vallée de la Limmat à Zurich.

Afin de limiter les embouteillages routiers, l'Office fédéral des routes (OFROU) envisage la construction d'une autoroute à deux étages sur une partie de l'A1, notamment entre Zurich et Berne dans la région du Limmattal, relatait le journal dominical alémanique NZZ am Sonntag.

>> Lire : La construction d'une autoroute à deux étages envisagée près de Zurich

Une idée qui ne devrait être qu'un ultime recours, estime le spécialiste de la mobilité Thierry Chanard: "Il faut d'abord explorer l'horizontalité au lieu de la verticalité", indique-t-il mardi dans La Matinale de la RTS.

Covoiturage à davantage promouvoir

"Il y a des tas de réflexions à engager avant cela", précise-t-il en évoquant certaines limitations de vitesse qui permettraient de rouler sur des espaces plus serrés, ou l'adaptabilité du réseau aux heures de pointe et en fonction de l'évolution du comportement des usagers.

Une autre solution, le covoiturage -dont on parle depuis longtemps- a beaucoup d'avenir aux yeux de Thierry Chanard. "Evidemment, si vous êtes deux personnes par véhicule, vous imaginez bien les effets que cela peut avoir en terme d'engorgement de réseau".

Mais l'idée ne séduit encore que peu d'automobilistes, avec 9 voitures sur 10 occupées par une seule personne le matin en Suisse. Un constat qui pourrait s'améliorer grâce à un gros effort de sensibilisation, mais également des incitations financières ou des aménagements dédiés, par exemple réserver des "voies pour véhicules à occupation multiples (VOM), des pistes intéressantes qui existent d'ailleurs depuis certaines années notamment aux Etats-Unis, en Norvège ou au Royaume-Uni."

Les autoroutes à deux étages ne font donc que repousser le problème, reprend-t-il. "On rajoute de la capacité, c'est un appel d'air et cela ne va pas inciter les gens à covoiturer".

L'impact visuel et urbain

Au-delà des questions de mobilité, l'idée de rehausser les voies rapides pose également problème à Thierry Chanard s'il revêt sa casquette d'urbaniste: "Les autoroutes sont déjà des blessures urbaines. Alors on va en faire des murailles. On veut faire des autoroutes qui ne prennent pas d'espace supplémentaire sur le sol, mais c'est en fait un leurre, parce que ces autoroutes doivent être traversées à un moment donné par des ponts. Et ces ponts vont monter 6 mètres plus haut pour pouvoir traverser..."

Couvrir ou végétaliser ces tronçons surélevés ne changerait pas grand-chose, ajoute-t-il. "Je crois qu'il faut couvrir les autoroutes pour en faire un nouveau paysage horizontal (...) Mais pas promouvoir des murs autoroutiers qui sont d'un impact énorme parce que ça s'étend sur des kilomètres et sur des hauteurs qui correspondent à 4 étages de bâtiment (...) Même si on les verdit, c'est infranchissable. Donc il faudra trouver d'autres solutions pour que ces aménagements soient moins impactants."

Propos recueillis par Coralie Claude/jzim

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