Berne et Bruxelles cherchent depuis quatre ans à s'entendre sur les termes d'un accord-cadre institutionnel. L'issue semble se rapprocher et le conseiller fédéral Ignazio Cassis veut croire à la possibilité d'un accord à l'automne.
Mais l'ombre de l'Espace économique européen (EEE) plane sur les négociations. Le 6 décembre 1992, les Suisses l'avaient rejeté, et donc refusé de s'arrimer institutionnellement au grand marché européen.
Or 26 ans plus tard, il est à nouveau question d'une forme d'arrimage institutionnel avec l'accord-cadre. Même s'il aurait une portée plus limitée, un élément n'a pas changé: le fait que la Suisse s'engage à reprendre le droit européen et ses évolutions dans certains domaines comme la libre circulation des travailleurs. La Suisse appliquerait les décisions des Etats membres de l'UE.
Les Suisses "ne veulent pas d'un engrenage multilatéral"
Ce mécanisme, qui faisait déjà hurler l'UDC à l'époque, l'irrite encore aujourd'hui. "Les Suisses ne souhaitent pas entrer dans un engrenage multilatéral et la reprise automatique du droit n'est rien d'autre que de transformer ce qui a été l'approche bilatérale de la Suisse au cours des vingt dernières années en une relation multilatérale", souligne le conseiller national Yves Nidegger.
"Les Suisses ont dit non en 1992, si on leur pose la question de manière claire en 2018, ils diront également non", estime l'UDC genevois. Pour lui, l'accord-cadre signerait l'arrêt de mort de la voie bilatérale au profit d'un projet multilatéral.
Il faut aller dans le sens de l'EEE, estime Bruxelles
Les spécialistes du dossier ne disent pas le contraire: l'Espace économique européen est bien le modèle pour l'accord-cadre, même dans une version édulcorée. "Du point de vue institutionnel, c'est-à-dire des règles du jeu prévues par cet accord, l'Union européenne estime depuis le début qu'il faut aller dans le sens de l'Espace économique européen", rappelle Christa Tobler, professeure de droit européen à l'Université de Bâle.
Contraintes mais accès plus large au marché européen
Reste à savoir quelle serait la meilleure option, entre celle de 1992 et celle de 2018. La professeure souligne les avantages de la première. "En adhérant à l'Espace économique européen, la Suisse obtiendrait un accès complet au marché unique. Cela permettrait de couvrir des domaines qui ne le sont pas aujourd'hui, comme les services financiers", relève-t-elle.
C'est le modèle norvégien qui séduit Christa Tobler: un régime commercial très étendu mais très contraignant aussi, avec une reprise du droit européen et une surveillance européenne.
En comparaison, l'accord institutionnel version 2018 demanderait aussi des sacrifices à la Suisse, mais sur un périmètre plus restreint: seule une poignée d'accords bilatéraux seraient soumis à cet accord-cadre.
Guillaume Meyer/oang